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De Molenbeek à Paris contre la stigmatisation médiatique des quartiers

De Molenbeek à Paris. Des élus et militants franciliens ont reçu, les 19 et 20 décembre dernier, une délégation molenbeekoise, du nom de la ville belge assimilée à un vivier terroriste depuis les attentats de novembre 2015 (Paris) et mars 2016 (Bruxelles).

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En mai dernier, un premier groupe d’acteurs de terrain français y avaient fait le déplacement. Au programme, déconstruction de la stigmatisation médiatique des quartiers et construction de projets communs. Mehdi Bouteghmès (photo ci-contre), élu à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), revient sur le projet.

Plusieurs banlieues françaises comme Saint-Denis ou Sevran, en Seine-Saint-Denis et d’autres villes belges comme Molenbeek (Belgique) font aujourd’hui les frais d’idées préconçues voire de réputation plutôt négative.

Nourries par la diffusion d’images, la construction médiatique de ces communes révèle toute l’ignorance dont la presse fait preuve. Ignorance face aux problématiques inhérentes à ces zones mais surtout méconnaissance de leurs populations.

Une réalité pénalisante tant elle annihile le travail mené par les acteurs de terrain, investis au quotidien pour améliorer le sort de ces communes.

Les propos sur Molenbeek, stigmatisant, dans le sillage des dramatiques attentats de Paris puis de Bruxelles, les territoires populaires ont été pour nous la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Qu’ils proviennent de responsables politiques ou d’éditorialistes qui cherchent à vendre leur papier, comme l’a fait Le Figaro Magazine et sa Une sur « Molenbeek Sur Seine », les résultats ne relèvent pas du journalisme et de la nécessité d’informer.


Plutôt d’un vœu. Celui, d’orienter et d’avaliser la stigmatisation d’une frange de la population qui subit aussi le terrorisme.


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 Une du Figaro Magazine, 20 mai 2016 A lire la contre-enquête d’Acrimed, 10 juin 2016


Dans un contexte où les difficultés s’accumulent, défaillance du service public, urbanisme ghettoïsant, chômage et manque de formation, etc…, l’impression d’être démuni s’accentue chez les habitants de ces quartiers.

Raison de plus pour ne pas en rajouter. Partout, et chaque fois que les noms de nos villes seront utilisés et salis, nous prendrons donc la parole pour les défendre.

Cette stigmatisation insupportable que l’on subit en banlieue nous incite à rencontrer les militants et les élus de Molenbeek par solidarité. Avec l’intention de discuter des solutions politiques pour contrer à la fois les problèmes de discriminations territoriales et ceux des extrémismes violents qui existent sur nos territoires et que nous ne voulons pas nier.

C’est une démarche citoyenne qui nous a poussé à aller à la rencontre des acteurs de terrain à Molenbeek, loin des clichés, pour échanger, lancer une dynamique de réappropriation des territoires et des problématiques qui leur sont propres, dont la question de la radicalisation fait partie.

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La délégation venue de Molenbeek.

Dans un esprit de collaboration et de partage de pratiques entre pays voisins, membres de l’Union Européenne, confrontés aux mêmes défis, nous avons effectué un premier pas qui, nous l’espérons, sera le début d’un partenariat constructif sur le plan local et sociétal.

En mai 2016, au départ de Saint-Denis, nous nous sommes rendus à Molenbeek pour un moment fondateur, mus par notre volonté de renverser les stigmates qui marquent ces villes et qui sont le résultat des récentes tragédies qui leur sont associées.

Là-bas, nous avons pu voir une ville similaire aux nôtres, les réalités urbaines et sociales l’emportant sur le reste. A terme, nous souhaitons partager nos expériences et pratiques pour effectuer le même travail de terrain.

Les solutions relèvent, selon nous, de la prévention et de l’intervention sociale. Il nous paraît inapproprié de faire de nos villes et de leurs habitants le « réservoir de coupables ».

La diversité des parcours, des profils, des histoires sociales et géographiques traduit, selon nous, de profonds problèmes de société, teintés d’inégalités, qui dépassent l’échelle d’un quartier.

Nous, acteurs de terrain et élus de ces villes devons être entièrement associés à la réflexion portant sur les solutions.

Dans ce but, nous poursuivons notre démarche en partenariat avec les acteurs et élu(e)s de Molenbeek que nous accueillons maintenant en France.

C’est un moment propice aux échanges et à la réflexion sur les solutions à apporter aux problématiques de ces territoires.

Et c’est aussi la preuve que l’Europe est une échelle pertinente d’action. L’enjeu étant de la conjuguer à notre échelle à nous, la décliner nous-même, pour nous-même.

Nos visites ne pourront malheureusement pas empêcher ces stigmatisations, mais elles pourront éviter qu’elles nous collent à la peau. Proposer une contre-image, inspirée de nos parcours, est essentiel.

Notre démarche doit se pérenniser et même s’étendre. Que ce soit en France ou en Europe, nous ne pouvons plus fonctionner en vase clos.

Professeur des écoles et conseiller municipal à La Courneuve (Seine-Saint-Denis).

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