Comme ses prédécesseurs, E. Macron reproduit les placebos
Avec la crise des Gilets jaunes, initiés le 17 novembre 2018, Emmanuel Macron semble avoir pris la mesure des colères exprimées par les Gilets jaunes. Dès le 10 décembre, le président de la République annonce des mesures exceptionnelles.
Hausse du Smic de 100 euros, dès cette années, pour la moitié des concernés, élargissement de la prime d’activité à 5 millions de foyers fiscaux, défiscalisation et désocialisation des heures supplémentaires…
Crise de la représentativité
Après deux samedis, marqués de centaines de blessés et des arrestations sans précédent, le chef de l’Etat, acculé, a dû céder face à la vindicte populaire.
Macron l’a bien compris. Le mouvement des Gilets jaunes trouvait racine dans le refus d’une nouvelle taxe. Mais, au fil des jours, c’est en un rejet massif de sa figure qu’il s’est mué.
« Crise de la représentativité de la représentation », analysait la philosophe Cynthia Fleury, sur les ondes France Info.
Une défiance face à un pouvoir très présidentialiste, sur lequel Macron, a voulu s’appuyer. Erreur d’appréciation.
Ce président jupitérien, costume dans lequel il entra avec assurance (arrogance même) n’était pas le plus adapté. Et d’avoir mal anticiper les colères à venir, encore enivré de l’exploit de son élection, Emmanuel Macron en a payé le prix fort.
Des mesures-rustines
L’impression d’un chef d’Etat à la peine, improvisant presque avec des mesures-rustines n’a échappé à personne. Pourtant, en matière de colères et de luttes, notre pays a un passif. Et un savoir-faire en matière de gestion de l’urgence. Dans les quartiers populaires, le manque de vision est de rigueur.
Des propositions vides, des placebos, n’est-ce pas le fondement des politiques français depuis 40 ans ?
Alors oui, depuis la création de la Politique de la ville en 1977, l’Etat s’est fortement investi. En francs, puis en euros.
De l’argent qui finance l’immobilisme
En 2019, le budget alloué à la Politique de la Ville dépassera les 500 millions d’euros. Pour lutter contre les 40% de chômage dans certains quartiers, relever le niveau des écoles, rompre avec les discriminations. C’est très bien. Sauf que l’argent n’achète pas tout. Pis, il permet de financer l’immobilisme.
En juillet 2018, l’OCDE publiait des chiffres invraisemblables. Avec un ascenseur social en panne, la France est une société du déterminisme social. Il faut, d’ailleurs, six générations pour accéder à la classe moyenne en termes de revenus.
Alors à focaliser sur la forme- plan Marshall des banlieues, ça vous parle ?-, nos dirigeants font l’impasse, à dessein, sur le fond. Et ce fond quel est-il ?
Il interroge l’ostracisme, vécu par les habitants des quartiers populaires et subi par ceux qui se revendiquent Gilets jaunes, également.
Cet ostracisme, à l’égard de la diversité (terme euphémistique fabuleux) trouve racine dans une forme de racisme inavoué. Il trouve aussi naissance dans une forme revisitée de luttes des classes. L’origine et la classe. C’est bien de cela dont il s’agit.
L’on garde, jalousement, les postes de commandes du pays.
Est-il utile de le rappeler : En quoi nos classes élitaires auraient intérêt à voir émerger des profils venus des minorités ? La discrimination, au-delà du racisme, repose forcément sur une peur enfouie mais réelle de la concurrence.
Alors, à travers des habitudes, un système d’enseignement supérieur pensé pour le centre-(re)lire l’ouvrage Elites academy de Peter Gumbel-, notre pays reproduit ses élites. Comme une mesure de sauvegarde, d’ailleurs. L’on garde, jalousement, les postes de commandes de pays.
Cette question n’est jamais abordée. Pourtant, elle est au cœur des entraves, régulièrement posées, à des acteurs de terrain, systématiquement écartés du centre des décisions.
Le pouvoir ne se demande pas. Il se prend. Soit. Il ne se partage pas non plus. Les élites le savent bien. Tout comme ceux occupés à changer ce pays.
Emmanuel Macron y-a-t-il réfléchi lors de son escapade évryenne, le 4 février 2019 ? À l’entendre égrener les mesures ce lundi soir, pas sûr. Et puis le Grand débat sert, comme son nom l’indique, à débattre. À défaut d’agir.
En la matière, nos gouvernants excellent.
Le 22 janvier 2008, Fadela Amara, transfuge de PS, devenue secrétaire d’État à la Politique de la ville de Nicolas Sarkozy, lançait son Plan Banlieue, à Vaulx-en-Velin (Rhône-Alpes).
Ce jeudi 7 février, hasard du calendrier, François Hollande, y est, à son tour, pour un colloque à l’initiative de la maire de la ville (ex-ministre de l’ex-PR) sur les discriminations.
Soyons honnête. Il faut rendre hommage, comme l’écrit Bernard Werber, à « tant d’énergie dépensée pour que tout soit bien immobile ».