#Algérie : « Le clan Bouteflika aggrave son cas »
En Algérie, la mobilisation contre un 5e mandat du président Bouteflika se maintient. Les annonces attribuées à l’actuel président ont, de nouveau, fait sortir les gens dans la rue, à Alger. Après une courte euphorie suivie d’une décantation, des slogans contre le prolongement proposé du 4e mandat proposé ont fusés de partout.
« Ils doivent avoir une ouïe défaillante, ces vieux schnocks, pour ne pas entendre les revendications de la jeunesse algérienne. Ils ont choisi, une fois encore, la confrontation. On va donc leur montrer de quel bois on se chauffe à ces crapules » lance Karima, une étudiante révoltée, battant le pavé dans les rues d’Alger.
Après avoir brièvement évoqué une « bataille gagnée » ou une « demi-victoire », les Algériens semblent de nouveau de mauvais poil. Et pour cause ! La plupart de nos interlocuteurs rencontrés dans les rues de la capitale n’ont pas manqué d’exprimer leur déception :
« C’est une arnaque, ils veulent gagner une année sans passer par des élections » tranche-t-elle.
Une ficelle trop grosse
« Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi ». Quel culot ! Dire ça après avoir déposé son dossier de candidature et changé de directeur de campagne relève du mensonge éhonté » relève-t-elle.
Il semblerait ainsi, que la ficelle soit trop grosse, d’autant que les nominations qui ont suivi la décision présidentielle sont vivement contestées :
« D’après moi, Bouteflika propose une “solution négociée” à la crise politique surtout pour mourir au pouvoir et échafauder d’éventuelles mesures d’amnistie pour ses fidèles. Faut-il rappeler que sous son règne, nombre d’oligarques et de politiciens véreux se sont enrichis grâce à des procédés contestables et dans l’impunité totale ? »
Zoubir, un jeune retraité.
Ce citoyen ne manque pas de dresser, par ailleurs, le profil psychologique du chef de l’Etat algérien :
« Certes, Bouteflika se dit prêt à céder le pouvoir dans moins d’un an, mais aucune personne sensée en Algérie ne peut le croire partant. On connaît trop bien le personnage imbu de pouvoir. D’ailleurs, depuis qu’il est arrivé sur un char militaire, il n’a eu de cesse de tripatouiller la Constitution pour se maintenir à la tête de l’État. Et ce n’est pas maintenant qu’il a un pied dans l’au-delà (sinon les deux) qu’il va changer de comportement ».
Zoubir
Pis encore, selon plusieurs observateurs et acteurs politiques, les nouvelles propositions vont, à coup sûr, aggraver la situation :
« Si le clan s’entête à perdurer c’est qu’il risque vraiment gros. Certains manifestants parlent déjà de “tribunaux populaires” et en Kabylie des scènes de pendaison publiques ont même été simulées » nous apprend Tassaâdit, militante féministe.
Tassaâdit
Quand « Fafa » s’en mêle…
Le premier pays à avoir salué les annonces de Bouteflika ou de ceux qui s’expriment en son nom a été la France, l’ancienne puissance coloniale.
Enfin, la décision imputée au président Abdelaziz Bouteflika de ne pas rempiler pour un cinquième mandat et de prendre des mesures pour rénover (sic) le système politique algérien a été “salué” moins d’une heure après son annonce au JT de 20 heures de la télévision publique algérienne.
Comme si la France officielle attendait cette décision inique qui, du reste, n’a aucun fondement juridique en Algérie. Interrogée à ce sujet, Fatiha Benabou, professeur de droit à l’université d’Alger et spécialiste reconnue en droit constitutionnel est formelle :
« En vertu de la Constitution algérienne, nul ne peut annuler des élections présidentielles ni prolonger le mandat présidentiel ».
Fatiha Benabou, professeur de droit à l’université d’Alger
Cela n’a pas empêché Emmanuel Macron d’enfoncer le clou, à son tour, à partir de Djibouti, un pays africain qui abrite, faut-il noter, non seulement une base militaire française, mais le plus fort contingent armé hors de France.
Le président français qui a apporté son quitus à de vagues promesses de réforme estime que Bouteflika a signé « une nouvelle page de l’histoire algérienne »…
Pour nombre d’Algériens, cette sortie a tout l’air d’un acte d’ingérence directe. Elle marque du moins un soutien pour le moins précipité à ce qu’il convient de qualifier, d’ores et déjà, de coup de force constitutionnel.
« À en croire, Macron et compagnie, les Algériens doivent sacrifier leurs libertés ! À en croire, Macron et compagnie, les Algériens n’ont pas droit à un État de droit ! «Fafa», (ndlr : diminutif affectueux de la France), cette amie qui nous veut du bien continue à nous recommander ainsi d’accepter la fatalité des lois d’exception voir même de l’état d’urgence »
Djamel
Djamel rappelle également que depuis l’indépendance du pays en 1962, l’Algérie eu à essuyer de nombreuses tentatives d’isolement politique, d’embargo économique et militaire jusqu’aux guerres médiatiques et aux instruments des renseignements.
« Malgré cela, l’Algérie est restée debout. Non seulement elle a défait le terrorisme dans l’indifférence de la France et du reste du monde mais, même meurtrie, elle a toujours été capable d’influer sur son sort » conclut-il, un brin optimiste.