Assa Traoré: “Nous avons des droits mais si l’on ne sait pas les utiliser, ça ne sert à rien”
Adama Traoré, mort étouffé pendant son interpellation à Persan (Val d’Oise) le 19 juillet 2016, aurait eu 25 ans aujourd’hui. Le jeune homme, dont la famille se bat pour connaitre la vérité, est devenu le symbole des violences policières mais surtout de l’impunité qui va avec. Nous avions rencontré sa soeur Assa Traoré suite à l’arrestation de ses frères, cet automne.
Sa dignité et sa témérité en font une Antigone moderne. Depuis la mort de son frère Adama, le 19 juillet 2016 lors de son interpellation à Beaumont-sur-Oise, Assa Traoré mène certainement le combat de sa vie.
Un combat pour la vérité et la justice face à « l’acharnement ». Sous le coup d’une plainte du maire Nathalie Groux (UDI) pour diffamation, elle revient sur le déroulé du 17 novembre, jour du fameux conseil municipal, auquel ses deux frères ont tenté d’assister. Ils seront interpellés le 22 novembre pour violences et outrages sur les forces de l’ordre.
Sous pression depuis le 19 juillet, sa famille et elle reçoivent quotidiennement « des menaces de mort. Une personne a même été arrêtée avec un fusil de chasse » pour la tuer, selon la préfecture.
Si elle s’indigne de « cette intimidation qui grandit de jour en jour », Assa Traoré joue son rôle de citoyenne. « Ce soir-là, nous avons réuni les habitants » pour « mener le combat pour la vérité » de manière « intelligente ».
L’Etat a mis en place des assistantes sociales ou des policiers de référence. Mais Assa Traoré y voit « de la mise en scène pour nous criminaliser et étouffer l’affaire ». Et de rappeler que « les gendarmes n’ont pas aidé Adama à vivre, ils l’ont aidé à mourir ».
Son frère Samba et quelques habitants ont mis en place une médiation autonome de 20h à 2h du matin. « C’est un acte de citoyen pour circuler et assurer la tranquillité du quartier ». Les « bons retours des habitants » les encouragent à aller plus loin.
« Certains sont venus nous voir pour nous demander de créer une association ». Le combat pour Adama repose sur « une force locale », celle initiée par les habitants de Beaumont-sur-Oise.
Une tragédie qui a permis l’éclosion d’une conscience politique.
« La mort d’Adama est venue montrer aux Beaumontois ce qui se passe dans d’autres quartiers ».
Il n’est ni le premier, ni le dernier.
« Il s’est passé chose de pas normal le 19 juillet, quelque chose qui a bouleversé la ville ».
« Je me suis rendue compte nous sommes dans un État où nous avons des droits. Assa Traoré cite l’épisode douloureux des autopsies. « Quand nous leur faisons savoir que nous allons faire une deuxième autopsie, ils renvoient quand même le corps à Beaumont-sur-Oise. On a fait un geste très violent. Quand le corps est arrivé, nous avons dit « nous refusons le corps » pour éviter de le souiller car nous n’aurions pas pu faire de deuxième autopsie » si le défunt avait été repris. Un droit que la famille Traoré a utilisé. « Nous avons des droits mais si l’on ne sait pas les utiliser, cela ne sert à rien ».
Hassina Mechaï avec Nadia Henni-Moulaï