Sabrine: “Je quitte la France si Marine Le Pen gagne”
À Paris, le score Front national est resté sous la barre des 5%, ce dimanche pour le premier tour de la présidentielle.
Un chiffre extrêmement bas pour une ville frappée par le terrorisme, thème de campagne de Marine Le Pen.
MeltingBook est allé à la rencontre des Parisiens pour évaluer ses chances de gagner le 7 mai prochain.
Sabrine
“J’ai déjà prévu mon départ en cas de victoire de Marine Le Pen, le 7 mai”, lance Sabrine. Pour la jeune femme, maman d’un bébé de six mois, “il est hors de question de voir ma fille grandir dans un pays gouverné par le Front national”. Elle ira en Suisse ou au Maroc.
Surprise par la victoire d’Emmanuel Macron, souvent qualifié de “banquier” ou de “candidat des riches”, elle est en colère.
“J’ai voté Mélenchon et Marine Le Pen à 22%, c’est triste France. Pas mal de gens ont voté pour elle et cela fait peur pour le 2e tour”.
“Dans l’atmosphère actuelle, elle peut passer. À cause des attentats, les gens pensent qu’elle peut lutter contre le terrorisme et renvoyer tous les immigrés dans leur pays”.
Elle rappelle sa vision de la France: “notre pays, c’est la devise républicaine, Liberté, Egalité, Fraternité. Que l’on soit Arabe, Noir, Chinois au autres, on peut vivre ensemble!”
Pessimiste, elle voit bien le FN remporter l’élection le 7 mai prochain. “On risque d’être surpris comme avec Trump”.
Dubitative sur Macron, elle pointe son manque de charisme.
“Vous le voyez face à Poutine ou à Trump? Il suivra le mouvement s’ils décident de frapper la Syrie…ce qui entrainera des attaques en France”.
Adewele
“Je ne pense que l’on soit dans un pays de facho où plus de 50% de la population va voter pour elle”. S’il reste optimiste, il prévoit un départ si elle battait Macron.
“J’irais en Afrique ou alors dans un pays anglophone comme le Royaume-Uni, sachant que c’est instable avec le Brexit”. Dimanche dernier, il a voté Mélenchon. “Je suis déçu car ce n’est pas passé loin”.
“Macron se cache mais c’est plutôt un candidat de droite.”
Adewele déplore le côté “effet de mode” de Macron et son “programme sans consistance, fait à la dernière minute”.
Sur l’union de la Gauche, Adewele est amer:
“On a eu deux candidats de gauche avec des programmes assez similaires. Un a fini à 6% alors que l’on aurait pu avoir une candidature de gauche et des chances de gagner”.
Charlène
“J’ai voté pour Mélenchon parce que je trouve qu’il a mené la meilleur campagne”. Elle vante, certes, son côté “show-man” mais a lu son programme.
Elle confie avoir opté pour celui qui lui paraissait “le moins bête. Aujourd’hui, on ne vote pas pour le meilleur programme mais le moins bête”, renchérit-elle.
“Ses mesures anti-nucléaires et les aides prévues pour les étudiants m’ont plu”.
Emma
Dimanche, “je me suis dit chacun son opinion, que Marine Le Pen, c’était vote protestataire avant tout”.
Encore lycéenne, elle n’a pas voté.
“Oui, Marine Le Pen au 2e tour, cela m’inquiète. Elle veut sortir de l’Europe. Et quand je vois l’Angleterre, je me dis que ce n’est pas à faire…”
Sur la question des valeurs portées par le FN, Emma trouve ses “idées pas terribles. Beaucoup pensent que l’on est envahi par les immigrés mais ce n’est pas la meilleure solution de fermer les frontières”.
En 2002, la jeunesse avait battu le pavé contre la présence de Jean-Marie Le Pen au 2e tour de l’élection présidentielle.
Aujourd’hui, elle semble moins concernée par le duel Macron/ Le Pen fille.
Emma ira peut-être manifester. Elle attend de voir si “des mouvements prennent dans les lycées. Dans son établissement, ils réfléchissent à un débat constructif sur les raisons du vote Macron ou Le Pen, sans faire de blocus…”
Christian
Satifait du résultat, pour Christian, Macron incarne “un renouvellement bienvenu dans un système politique assez usé”.
Conscient que Macron est “l’un des meilleurs représentants de l’élite et du système”, il rappelle pourquoi il reste “acceptable”:
“Il est consensuel, modéré. C’est la solution qui peut satisfaire la continuité républicaine tout en apportant quand même un sang neuf, un programme qui prévoit des modifications institutionnelles…”
Parmi ces changements promis par Macron, “la suppression d’une partie des postes de députés et de sénateurs”.
Pour Christian, Macron c’est avant “une façon de rafraîchir la vie politique française”.
Et puis, “dans une démocratie, la révolution, c’est l’alternance. Macron, issu de nulle part, est déjà presque une révolution à lui tout seul”.
Quant à la victoire potentielle de Le Pen, il balaie cette possibilité d’un revers de main:
“Non, non…(rires). Elle va faire certainement un meilleur score que son père il y a 15 ans. Les gens sont assez rationnels pour ne pas l’élire. Elle n’a aucune chance d’être élue, ni aujourd’hui, ni plus tard”.
Hugo
Employé dans la restauration, Hugo a soutenu Jean-Luc Mélenchon, “comme beaucoup de jeunes”, relève t-il, amusé.
Les résultats du scrutin l’ont bien sûr déçu:
“Si les gens lisaient les programmes, peut-être se rendraient-ils compte que les propositions de Marine Le Pen sont négatives pour la plupart”.
Pour lui, il y a clairement danger pour le 2e tour. “Oui, j’irai voter contre Le Pen, la pire des candidates. Mais, ce n’est pas un vote pour Macron. La victoire de Marine Le Pen conduirait la France à la faillite”.
Elodie
Elodie a été surprise par les résultats. “Je voyais Fillon/Le Pen”.
Sur la présence de Macron:
“Je ne m’y attendais pas. Mais, je pense que cela va être compliqué pour lui. Sur quelle majorité parlementaire va t-il s’appuyer s’il est élu? “
Et en cas de victoire de Marine Le Pen?
“Impossible. Les gens ne voteront pas pour une femme. Les Français sont bien plus fermés d’esprit que l’on ne le pense…”
Rendez-vous, le 7 mai 2017, donc.
Propos recueillis par Nadia Henni-Moulaï avec Al Jazeera english