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Europe, Islam, Djihad : Pour une poignée de pétrodollars, l’Europe a vendu son âme

René Naba, journaliste-écrivain et fin connaisseur de l’espace arabo-musulman. Il dirige le site Madaniya.

Alors qu’un colloque sur le financement du terrorisme est prévu au printemps, il analyse les responsabilités de l’Europe dans le développement du terrorisme. 

Sauf contretemps, la France prévoit d’organiser au printemps 2018 un colloque sur le financement du terrorisme en Europe avec la participation des intervenants habituels à ce genre de débats.

Pointant du doigt les bailleurs de fond du terrorisme islamique, le président Emmanuel Macron a indiqué avoir communiqué à l’Arabie saoudite la liste de ces groupements en demandant au Royaume de cesser de financer leurs activités.

En prévision de ce colloque de l’entre soi, madaniya.info soumet à l’attention de ses lecteurs une lecture en contrechamps de la forme la plus pernicieuse de l’instrumentalisation de l’Islam au service des visées de l’Otan, dans une stratégie à double détente :

  • contre l’athéisme de l’Union Soviétique au plus fort de la guerre froide soviéto américaine (1945-1990), d’une part ;
  • en tant que frein à l’engagement dans les luttes revendicatives de la population immigrée de confession musulmane d’Europe occidentale, d’autre part.
    Une instrumentalisation opérée sous l’effet corrupteur des pétrodollars, si désastreuse tant pour le Monde arabe que le Monde musulman que pour le Monde occidental que pour l’Islam lui-même. Fin de la note

La communauté arabo musulmane d’Europe: Le 28ème état de l’Union Européenne

Le premier groupement ethnico-identitaire d’importance sédimenté hors de la sphère européo-centriste et judéo-chrétienne.

Cinq siècles de colonisation intensive à travers le monde n’ont pas encore banalisé la présence des «basanés» sur le sol européen. De même que treize siècles de présence continue matérialisée par cinq vagues d’émigration n’ont conféré à l’islam le statut de religion autochtone en Europe.

D’ailleurs, le débat, depuis un demi-siècle, porte sur la compatibilité de l’Islam et de la République, comme pour conjurer l’idée d’une agrégation inéluctable aux peuples d’Europe de ce groupement ethnico-identitaire, le premier d’une telle importance sédimenté hors de la sphère européo-centriste et judéo-chrétienne.

Les interrogations sont réelles et fondées. Mais par leur déclinaison répétitive (problème de la compatibilité de l’islam et de la modernité, compatibilité de l’islam et de la laïcité), les variations sur ce thème paraissent surtout renvoyer au vieux débat colonial sur l’assimilation des indigènes.

L’idée étant de démontrer le caractère inassimilable de l’Islam dans l’imaginaire européen, comme pour masquer les antiques phobies chauvines, malgré les copulations ancillaires de l’outre-mer colonial, malgré le brassage survenu en Afrique du Nord et sur le continent noir, malgré le mixage démographique survenu notamment au sein des anciennes puissances coloniales (Royaume-Uni, France, Espagne, Portugal et Pays Bas) du fait des vagues successives des réfugiés du XX me siècle d’Afrique, d’Asie, d’Indochine, du Moyen-Orient et d’ailleurs.

Au-delà de la polémique sur la question de savoir si « l’islam est soluble dans la République ou à l’inverse si la République est soluble dans l’Islam », la réalité s’est elle-même chargée de répondre au principal défi interculturel de la société européenne au XXIe siècle.

Soluble ou pas, hors de toute supputation, l’islam est désormais bien présent en Europe d’une manière durable et substantielle, de même que sa démographie relève d’une composition interraciale, européenne certes, mais aussi dans une moindre proportion, arabo-berbère, négro-africaine, et turco-indo-pakistanaise.

La France, la première communauté musulmane

Premier pays européen par l’importance de sa communauté musulmane, la France est aussi, proportionnellement à sa superficie et à sa population, le plus important foyer musulman du monde occidental.

Avec près de sept millions de musulmans, dont 2,5 millions de nationalité française, la France compte davantage de musulmans que pas moins de huit pays membres de la Ligue arabe (Liban, Koweït, Qatar, Bahreïn, Émirats Arabes Unis, Palestine, Îles Comores et Djibouti).

Elle pourrait, à ce titre, justifier d’une adhésion à l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), le forum politique panislamique regroupant cinquante-trois États de divers continents ou à tout le moins disposer d’un siège d’observateur.

En comparaison, pour une superficie de 9,3 millions de km2 et une population de 280 millions d’habitants, Les États-Unis comptent près de 12 millions de musulmans.

Socle principal de la population immigrée malgré son hétérogénéité linguistique et ethnique, avec 25 millions de personnes, la communauté arabo-musulmane d’Europe occidentale apparaît en raison de son bouillonnement -boutade qui masque néanmoins une réalité- comme le 28 me État de l’Union européenne. Soit autant que le Benelux.

Sa décomposition s’établit comme suit : 5 millions environ dans les trois pays de l’ancien bloc communiste (Albanie, Bosnie – Herzégovine et Bulgarie) et le reste dans les pays fondateurs de l’Union Européenne (Allemagne, Benelux, France, Italie).

A ce chiffre, s’ajoute, le nouveau flux migratoire généré par les guerres de prédation économique du Monde arabe par l’Otan (Syriens, Libyens, Irakiens, Somaliens, etc..).

Le Royaume Uni, qui compte une importante communauté asiatique d’origine indo pakistanaise ne figure pas dans ce décompte en raison du BREXIT.

Selon Pew Research Center, institut américain indépendant spécialisé dans l’étude de la démographie religieuse, les musulmans pourraient représenter entre 7,4% et 14% de la population européenne à l’horizon 2050, contre 4,9% en 2016.

Pew estime à 53% le taux de musulmans parmi les migrants arrivés en Europe entre 2010 et 2016, sur un périmètre comprenant les 28 pays membres de l’Union européenne (Royaume-Uni compris), la Norvège et la Suisse incluses.

In Limine Limitis, Levons donc l’ambiguïté : L’Islam n’a pas conquis l’Europe, a fortiori la France.

C’est l’Europe qui s’est lancée à la conquête des pays arabes et africains majoritairement musulmans.

Il en a été de la France pour le Maghreb et l’Afrique Noire, comme des Pays Bas avec l’Indonésie, le Royaume Uni avec l’empire indien (Inde, Pakistan Bangladesh), et l’Afrique orientale.

L’Islam n’est donc pas un produit du terroir français, à l‘instar du christianisme, mais la conséquence résiduelle du reflux d’empire. Le produit dérivé de la turgescence coloniale française et de son excroissance ultra marine.

Sans colonisation, point de « burnous à faire suer », ni de « bougnoule », ni « y a bon banania », ni de « chairs à canon ».

Pas de « bicot », ni de « ratonnades», ni de « délits de faciès », pas de « Code de l’indigénat » ni de « Code noir », pas plus que de « Venus callipyge », ni « Sétif », ni « Thiaroye », ni « Sanaga », encore moins de « territoires perdus de la République ». Et point d’Islam, à tout le moins dans cette densité.

« Le beurre l’argent du beurre en plus du sourire de la crémière », cela relève de la fable. Ou d’un merveilleux conte de fée. De même que le « fardeau de l’homme banc et sa charge d’aînesse », un alibi destiné à masquer la mégalomanie prédatrice.

La loi du 9 Décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

Soutenir que l’islam n’existait pas en France au moment de l’adoption de la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, instituant la laïcité, relève du mensonge éhonté.

Sauf à considérer des «sous hommes» les populations musulmanes d’Afrique occidentale (Sénégal, Mali, Mauritanie, Guinée, Tchad etc) et d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc), l’islam si présent en France au point que la patrie de la laïcité se proposait de se proclamer «Calife de l’Occident» par opposition au califat de l’Empire ottoman et le Maréchal Hubert Lyautey, Maréchal de l’Islam.

L’Europe un lieu de passage ou un lieu d’enracinement des Musulmans ?

Issam Al Attar versus Saïd Ramadan : La controverse à propos de la tentative d’aggiornamento de l’islam politique.

La querelle est ancienne et opposait dans la décennie 1970 deux dirigeants de la confrérie des Frères Musulmans, le syrien Issam Al Attar, en exil à Aix la Chapelle (Allemagne) et l’égyptien Saïd Ramadan, basé à Munich où il participait alors au programme de sédition des contingents musulmans de l’armée soviétique, via les radios américaines d’Europe centrale.

Issam Al Attar, frère de Najah Al Attar, actuelle vice-présidente de la République Arabe Syrienne, estimait que l’Europe est une destination d’émigration temporaire, un lieu de passage transitoire, et qu’il importait aux musulmans d’Europe de se conformer aux lois de l’hospitalité des pays d’accueil ; de tirer le meilleur profit des expériences européennes dans les divers domaines de l’activité intellectuelle, économique, scientifique et d’en faire bénéficier en retour leur pays d’origine.

Saïd Ramadan, estimait, lui, au contraire, que l’Europe est un lieu d’ancrage durable de la population immigrée de confession musulmane et qu’il convenait de modifier en conséquence leur environnement socio-culturel de manière à l’adapter à une présence durable des travailleurs immigrés musulmans sur le territoire de leur ancien colonisateur.

Agitateur professionnel pour le compte de ses mécènes, Saïd Ramadan a triomphé de cette querelle non pas tant par la pertinence de ses arguties, mais par la puissance financière et le soutien occulte des services occidentaux qui le propulsaient à la direction de l’Islam européen.

Des services soucieux de faire barrage à l’insertion des travailleurs immigrés musulmans aux luttes revendicatives sociales dans le cadre des syndicats ou des partis perçus par les stratèges atlantistes comme «compagnons de route» de l’Union soviétique.
La thèse de Saïd Ramadan a triomphé car elle répondait aux objectifs stratégiques de l’OTAN et non parce qu’elle était conforme aux intérêts à long terme du Monde arabe, de son redressement et de la promotion de l’Islam.

L ‘Europe, base arrière aux « combattants de la liberté » de l’époque afghane.

Sous l’aile protectrice américaine, l’Arabie saoudite a déployé la plus grande ONG caritative du monde à des fins prosélytes, à la conquête de nouvelles terres de mission, dans la décennie 1970-1980, particulièrement l’Europe, à la faveur du boom pétrolier et de la guerre d’Afghanistan.

Ce déploiement arachnéen s’est développé par un usage intensif de la politique du chéquier. L’Arabie saoudite a ainsi mis au point une diplomatie d’influence fondée sur l’instrumentalisation de la religion musulmane à des fins politiques ainsi que sur la corruption en vue de soudoyer les décideurs de la planète, faire taire les critiques à son égard et aseptiser les ondes de toute critique à l’égard de la dynastie wahhabite par le biais d’un empire médiatique hors norme.

Pour une poignée de dollars, l’Europe en perdra son âme. Dame de grande moralité mais de petites vertus, elle succombera aux charmes discrets des pétrodollars pour devenir la principale plate-forme de l’Empire médiatique saoudien, le principal refuge des dirigeants islamistes désignés depuis à la vindicte publique, réussissant même le tour de force d’abriter davantage de dirigeants islamistes que l’ensemble des pays arabes réunis.

L’Europe, refuge d’Ayman Al Zawahiri, l’actuel numéro 1 d’Al Qaida.

Soixante dirigeants islamistes résidaient en Europe occidentale depuis la guerre anti soviétique d’Afghanistan, dans la décennie 1980, où les djihadistes étaient gratifiés du titre de « combattants de la liberté » par le fourbe du Panshir, Bernard Henry Lévy, l’interlocuteur virtuel du Lion du Panshir, le commandant Massoud Shah.

Quinze d’entre eux disposaient du statut de « réfugié politique », dans la plupart des pays européens, Royaume Uni, Allemagne, Suisse, Norvège, Danemark.

A- Londres, capitale mondiale de l’Islam contestataire et plate-forme du déploiement médiatique international saoudien (1), comptait parmi ses hôtes les principaux opposants islamistes tels que :
  1. Rached Ghannouchi (Tunisie-An Nahda),
  2. Kamar Eddine Katbane (Algérie-vice-président du comité du FIS algérien (Front Islamique du Salut),
  3. Moubarak Fadel Al-Mahdi (Soudan),
  4. Attaf Hussein (Pakistan-chef du parti d’opposition Muhajir Qawmi Movement (MQM)
  5. Adel Abdel Majid (Égypte),
  6. Ibrahim Mansour (Égypte), adjoint au guide suprême des Frères Musulmans
  7. Ali Sadreddine Bayanouni (Syrie), contrôleur général des Frères musulmans de Syrie
  8. Azzam At Tamimi (Palestine), membre du commandement de l’ombre du Hamas, la branche palestinienne de la confrérie.
  9. Abou Moussa’b As Soury (Syrie), alias Moustapha Abdel Kader Sitt Mariam), théoricien des « loups solitaires ».
  10. Abou Hamza Al Masri (Moustapha Kamal Moustapha)
  11. Abou Qtada Al Falastini (Omar Mohamad Osmane)
  12. Abou Farès, nom de guerre de l’algérien Farouk Daniche
  13. Ainsi que brièvement le plus illustre d’entre eux Oussama Ben Laden, le fondateur d’Al Qaida

Londres abritait en outre la rédaction de la revue « Al Ansar », périodique djihadiste salafiste, édité dans la capitale britannique avec une domiciliation en Suède chez Abdel Karim Daniche, bénéficiant du titre de réfugié politique.

La capitale britannique fera preuve de moins de laxisme à leur égard à la suite de l’attentat du 7 juillet 2005. Survenu le jour de la tenue du Sommet du G8 sur son territoire au lendemain de la décision du Comité Olympique Internationale de lui attribuer l’organisation des Jeux Olympiques de 2012, cet attentat avait fait 50 morts.

Londres était en outre la plate-forme stratégique du déploiement médiatique international du Royaume Wahhabite qui y avait entreposé l’essentiel de sa force de frappe : Une chaîne transfrontalière MBC (Middle East Broadcasting Center), deux radios à diffusion transcontinentale MBC FM et la radio communautaire britannique SPECTRUM, ainsi que cinq publications dont deux fleurons de la presse transarabe « Al Hayat » et « Al Charq Al Awsat ».

B -La ventilation des autres réfugiés politiques célèbres (2)

L’Allemagne a figuré en deuxième position, avec deux exilés de marque : Issam Al Attar, chef des Frères Musulmans de Syrie, et Saïd Ramadan (Égypte), gendre d’Hassan Al Banna, le fondateur de la confrérie.

Exilé à Aix la Chapelle, Isssam Al Attar exerçait son magistère européen depuis la « Maison de l’Islam » de Francfort, en liaison avec le Centre Islamique de Genève. Comme un pied de nez à l’Occident et aux Frères Musulmans, le président syrien Bachar al Assad a désigné la propre sœur d’Issam Al Attar, Najah al Attar, ministre de la culture pendant 32 ans, puis vice-présidente de la République syrienne lors de la dernière élection présidentielle de juin 2014. En guise de caution sunnite féminine au pouvoir baasiste.

Quant à Saïd Ramadan, en précurseur, il avait fondé, en 1961, avec le soutien du futur Roi Faysal d’Arabie, le « Centre Islamique de Genève » et pris la tête d’un organisme islamique de Munich : Le « Islmische Gemeinschaft in Deutchland » chargé de recycler les transfuges musulmans de l’Armée rouge.

Sous sa férule, ses partisans ont joué un rôle important dans la fondation en 1962 de la Ligue Islamique Mondiale, la structure parallèle à fondement religieux mise sur pied par l’Arabie saoudite pour contrecarrer l’influence de la diplomatie nassérienne et de l’Université d’Al Azhar, la plus prestigieuse université religieuse du Monde musulman.

Le coup de pouce politico-financier des Saoudiens et des Américains a donné à l’organisation les moyens d’établir une structure islamiste juste à temps pour accueillir la vague d’immigration musulmane en Europe dans la décennie 1970, dans la foulée du boom pétrolier.

Une note confidentielle des services secrets suisses datant du 17 août 1966 évoque la « sympathie » de la BUPO, la police fédérale sur la protection de l’État, pour Saïd Ramadan.

Elle ajoute : « Il est très certainement en excellents termes avec les Anglais et les Américains ». Un autre document, daté du 5 juillet 1967, se montre encore plus précis. Saïd Ramadan est présenté comme un « agent d’information des Anglais et des Américains.

De plus, je crois savoir qu’il a rendu des services -sur le plan d’informations- à la BUPO. » Toujours est-il qu’une réunion, présidée par le chef du service du Ministère public fédéral, du 3 juillet 1967, décide d’accorder un permis de séjour à Saïd Ramadan, alors que ce dernier aurait dû être expulsé le 31 janvier 1967.

Les raisons de cette tolérance ? La possibilité « que les amis de Saïd Ramadan prennent le pouvoir dans les mois à venir dans l’un ou l’autre État aujourd’hui qualifié de progressiste ou socialiste ». Fantasme tenace chez les Occidentaux qui leur vaudra leur déconvenue collective du « printemps arabe ».

A lire la liste des hôtes de marque de l’Europe, la « guerre contre le terrorisme » paraît risible. Indice de la duplicité de la diplomatie occidentale tant vis-à-vis de l’opinion occidentale que vis à-vis du Monde arabe.

C – Parmi les célèbres réfugiés politiques figuraient :

Aymane Al-Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al Qaida. A l’époque où il exerçait les fonctions de « Commandeur des groupements islamistes en Europe ». Il résidait en Suisse. Mis en cause dans des activités subversives du groupe islamiste « Al-Awdah » (Le Retour), il ne faisait l’objet d’aucune condamnation. Adhérant dans les années 1980 à la formation « Al-Jihad », il avait été condamné à 3 ans de prison dans l’affaire de l’assaut de la tribune présidentielle lors de l’assassinat du président égyptien Anouar Al-Sadate, en octobre 1981. A sa sortie de prison, il a séjourné en Afghanistan avant de se rendre en Europe.

Talaat Fouad Kassem, porte-parole de mouvements islamistes en Europe, bénéficiaire de l’asile politique au Danemark. Condamné à 7 ans de prison au moment de l’assassinat de Sadate, il a été le premier à rejoindre les rangs des combattants islamistes afghans où il s’est distingué au sein des escadrons de la mort dans des opérations de guérilla antisoviétique. Avant le Danemark, il était responsable des groupements islamistes à Peshawar (Pakistan), point de transit des Moudjahidines vers l’Afghanistan. En charge de la coordination des activités des divers responsables et de la transmission des consignes, des instructions et des subventions entre l’Europe et les militants de base en Égypte, il a dû mettre en veilleuse ses activités à la suite de la 20 me tentative d’assassinat du président Hosni Moubarak, en juin 1995.

Mohamad Chawki Al-Islambouli, frère du meurtrier d’Anoir Sadate, Khaled Al-Islambouli. Innocenté lors du procès de l’assassinat de l’ancien chef de l’État égyptien, il a rallié les rangs des combattants anti-israéliens au sud-Liban avant de se rendre à Peshawar. Résidant à Kaboul, Chawkat Al-Islambouli a été condamné par contumace dans le procès des « égypto-afghans ».

Enfin, Hani Al-Sibaï (Égypte) bénéficiait, lui, de l’asile politique de la Norvège.

6- Un empire médiatique pour aseptiser l’espace hertzien (3)

Se posant en chef de file du Monde islamique, l’Arabie saoudite s’est dotée en l’espace d’une décennie d’un holding multimédia se hissant au rang d’un géant de la communication, à l’égal des conglomérats occidentaux, dans une stratégie offensive dans le but non avoué était d’aseptiser les ondes de toute pollution anti saoudienne en vue de « prêcher la bonne parole » et de faire pièce à la contamination révolutionnaire dans la sphère musulmane, préjudiciable à son leadership.

Exerçant un monopole de fait tant dans l’espace euro-méditerranéen qu’au sein du monde anglosaxon, le dispositif saoudien comprenait deux complexes multimédias avec leur cortège de chaînes de télévision transfrontalières, d’une dizaine de canaux thématiques, de stations de radio transcontinentales, d’une agence de presse internationale (United Press International) et de cinq publications pan arabes. Sans surprise, ces vecteurs étaient tous la propriété de la famille royale saoudienne, au point de justifier la boutade selon laquelle la dynastie wahhabite est « l’unique entreprise familiale au Monde à siéger aux Nations-Unies ».

Un double impératif a guidé les dirigeants saoudiens dans leur aventure médiatique : la nécessaire neutralisation des succès de la révolution iranienne auprès de l’opinion musulmane et la non moins impérieuse nécessité de justifier, lors de la 1re guerre du Golfe (1990-1991), la présence de près de 500.000 soldats occidentaux sur le sol saoudien, à proximité des Lieux Saints de l’Islam.

Fait sans précédent dans l’Histoire, une telle présence massive de non-musulmans, -dont 60.000 soldats américains de religion juive- a été perçue comme une profanation d’un sanctuaire dont la dynastie wahhabite en a, en principe, le devoir de garde et de protection.

Ressentie comme la marque de la collusion du « Gardien des Lieux Saints » avec les oppresseurs des musulmans, elle a servi de justificatif à la rupture de bon nombre de formations islamistes avec le royaume saoudien, leur bailleur de fonds, notamment le chef d’Al Qaida, Oussama Ben Laden, et le FIS Algérien.

Le dispositif saoudien était prolongé sur le territoire national par deux vecteurs qui faisaient office de fer de lance du prosélytisme religieux et du djihadisme asiatique : « The Holy Quran Program » et « La Voix de l’Islam ». Des ONG de prédication et d’imprécation, dont les métastases jihadistes évolueront vers des proto-états avec comme marque de fabrique la stigmatisation et la décapitation.

Le Holy Quran Program.

Lancé en 1972, un an avant la guerre d’octobre 1973 au cours duquel le royaume va faire usage de l’arme du pétrole et se positionner comme nouveau chef de file du Monde musulman, Holy Qoran émettait depuis Ryad 18 heures de programme en arabe en direction du Monde arabe, de l’Asie du sud à l’intention des grands pays musulmans (Afghanistan, Pakistan, Bangla Desh, Malaisie, Indonésie et Inde). Holy Quran était complété depuis La Mecque par des émissions diffusées par la « Voix de l’Islam», le tout sous la protection des Awacs américains, ces fameux avions radars qui sillonnaient le ciel saoudien pour parer à toute agression contre la dynastie wahhabite.

7- Un déploiement arachnéen.

Le prosélytisme sur place était complété sur le plan international par une structure discrète mais efficace : La Ligue Islamique Mondiale, l’instrument d’encadrement par excellence des communautés musulmanes de la diaspora. Fondée en 1962 à La Mecque, la Ligue Islamique mondiale avait la haute main sur la formation des Imams et des prédicateurs, la gestion des bourses d’études, le développement des instruments de communication à vocation pédagogique (diffusion du coran et des documents audiovisuels, cassettes, films).

Ainsi durant la décennie 1980 au plus fort de la guerre d’Afghanistan, le royaume saoudien a édité 53 millions d’exemplaires du Coran, offrant gracieusement 36 millions d’exemplaires aux fidèles de 78 pays à l’occasion du Ramadan, selon les indications fournies à la presse à l’époque par Mohamad Ben Abdel Rahman Ben Salamah, vice-ministre saoudien des biens religieux au moment de la 1 ère guerre du Golfe (1990-1991).

Vingt-six millions ont été offerts aux fidèles d’Asie, cinq millions pour l »Afrique, un million pour l’Europe et quatre millions à l’Amérique latine. Parallèlement, les deux grandes universités islamiques du Royaume ont formé 39.000 prédicateurs de 47 nationalités durant cette même période :

L’Université Mohamad Ben Saoud (Ryad), 23.000 étudiants d’une quarantaine nationalité, et l’Université Oum al Qorah (La Mecque) 16.000 étudiants de 47 nationalités, se muant ainsi en autant de zélés propagateurs de la conception ultra rigoriste de l’islam saoudien au sein de la communauté des pays musulmans.

Le Conseil Supérieur des Mosquées, dont la tâche exclusive est la promotion des lieux de culte à travers le Monde, lui est affilié.

Le Roi Salmane, le protégé du président xénophobe et populiste américain Donald Trump, aura été, à à l’époque Gouverneur de Riyad, paradoxalement, le plus grand collecteur de fonds du djihad afghan, via son journal « Al Charq Al Awsat ».

En Europe, la Ligue a disposé de représentations dans la plupart des métropoles : Londres, Bruxelles, Rome, Genève, Copenhague, Lisbonne et Madrid. La pénétration des populations musulmanes s’est faite de manière oblique par la multiplication des centres culturels et religieux et d’institutions spécialisées.

L’Arabie saoudite a réparti les principales institutions entre les grandes capitales européennes dans le souci d’impliquer le plus grand nombre des pays de l’Union Européenne dans sa politique de sensibilisation islamique, dans sa version wahhabite, et de prévenir ainsi toute vacuité institutionnelle et idéologique qui profiterait à ses rivaux.

-Le Conseil Continental des Mosquées d’Europe a pour siège Bruxelles.
La Grande Mosquée de Bruxelles est également le siège du Centre Islamique et culturel de Belgique. Le bâtiment siège du pavillon oriental de l’Exposition nationale de Bruxelles de 1880, abritait alors une fresque monumentale, le Panorama du Caire d’Émile Wauters, qui remporta un important succès. En 1967, le roi Baudouin fait don de l’édifice au roi Fayçal Ben Abdelaziz Al Saoud d’Arabie saoudite, en visite officielle en Belgique.

-L’Académie Européenne de Jurisprudence Islamique est basé à Londres.

– Word Assembly of Muslim Youth, structure transnationale, avait vocation à faire contrepoint à l’organisation correspondante des Frères Musulmans, « The International Islamic Federation of Students Organization » en ce que la confrérie, longtemps dans le giron des Saoudiens, se prépositionnait en rival sur le théâtre européen avec l’afflux massif des travailleurs immigrés du Maghreb, d’Afrique noire, de Turquie (Allemagne) et des Pakistanais (Royaume Uni).

Sous la férule saoudienne, les Frères Musulmans ont en effet joué un rôle majeur dans la création de structures pan islamiques :

-La Ligue Islamique Mondiale (1962), la structure parallèle à fondement religieux mise sur pied par l’Arabie saoudite pour contrecarrer l’influence de la diplomatie nassérienne et le prestige de l’Université d’Al Azhar, une des principales sources de jurisprudence islamique

-Le Conseil islamique d’Europe, dix ans plus tard, en 1973, l’année du premier choc pétrolier et du basculement du centre de gravité du Monde arabe de la zone populeuse et frondeuse de la Méditerranée vers la zone d’abondance apathique du Golfe. Le Conseil islamique d’Europe âsse pour être le parrain spirituel de l’Union des organisations islamiques en Europe (UOIE) et de l’Union des organisations islamiques de France, en 1983, en pleine phase de montée en puissance de la troisième génération issue de l’immigration arabo musulmane.

Paris, elle, a aménagé une place de choix au déploiement médiatique saoudien en concédant licence, dans toute l’acception du terme, à Radio Orient, la dotant d’une position exorbitante en ce qu’elle est l’unique radio au monde, propriété d’un chef de gouvernement étranger ou alternativement d’un chef de l’opposition d’un pays ami de la France.

Réputée pour sa perméabilité saoudienne, Radio Orient diffusait tous les vendredi les sermons du prédicateur de La Mecque, faisant office de relais aux prédications du conservatisme wahhabite en direction d’une population arabo-musulmane en butte à l’intégrisme islamique.

Comme ce fut le cas lors de la décennie noire en Algérie (1990-2000) ou lors de la Guerre de Syrie (2011-2015), où la France, la Patrie des Droits de l’Homme, s’est rangée du côté des djihadistes takfiristes, dont elle en paiera le prix en terme de retombées terroristes, des tueries de Mohamad Merah à Toulouse-Montauban (2012), à Mehdi Nemmouche, le geôlier de quatre journalistes français otages du Jabhat An Nosra, au carnage de Charlie Hebdo (Janvier 2015) à la décapitation de l’Isère (juillet 2015), à la boucherie du Paris-Bataclan (13 Novembre 2015), à la tuerie de Nice juillet 2016.

René Naba

Références:

1- A propos de l’Europe « base arrière des dirigeants islamistes de l’époque afghane »

2- Arabie saoudite : « Unique entreprise familiale au Monde à siéger à l’ONU, voir Chapitre V « Guerre des Ondes, guerre des religions, la bataille hertzienne dans le ciel espace méditerranéen ». René Naba – Harmattan 1998.

3 – les Frères Musulmans, un vestige de la guerre froide

Qatar-Arabie saoudite

Raconter, analyser, avancer.

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