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Je ne suis pas ton communautariste

I Am not your negro de Raoul Peck a reçu, le César du meilleur film documentaire, le 2 mars. Victoire méritée. Jean-Riad Kechaou, professeur engagé, met cette victoire en perspective avec la nomination des Misérables, le film de Ladj Ly.

I Am not your negro. Un documentaire puissant. Réalisé par Raoul Peck, il nous éclaire sur la manière dont les leaders afro-américains ont pensé la lutte pour l’égalité.

Notons néanmoins que l’on accepte bien mieux ce lointain combat, contrairement à celui mené par nos propres minorités, accusées de communautarisme quand elles souhaitent s’organiser et s’inspirer des réflexions des leaders afro-américains.

Il était, certainement, plus difficile pour l’Académie des Césars de récompenser Les Misérables, le court-métrage de Ladj Ly.

Un film fort qui évoque les violences policières en banlieue, sorti en pleine affaire Théo, en février 2017.

En lisant ce texte de l’intellectuel James Baldwin que l’on peut entendre dans le documentaire sous la dictée de Joey Starr, on saisit mieux pourquoi on utilise souvent le terme de communautariste pour déligitimer ceux qui luttent pour l’égalité dans leurs pays, la France.

On comprend, également, pourquoi les minorités ethniques sont si peu représentées dans le cinéma français.

“Je sais une chose. Tous ceux qui ont essayé de vivre savent ça : ce que vous dites sur les autres dit ce que vous êtes. Ce que je sais de vous est dicté par mes propres besoins, ma propre psychologie, mes propres peurs et désirs. Je ne vous décris pas quand je parle de vous, je me décris moi. Aujourd’hui, dans ce pays, nous avons quelque chose appelé le nègre. Nous avons inventé le nègre. Je ne l’ai pas inventé. Les Blancs l’ont inventé. J’ai toujours su, je devais savoir depuis mes 17 ans, que ce que vous décriviez n’était pas moi, ce dont vous aviez peur n’était pas moi, c’était autre chose, quelque chose dont VOUS aviez peur, que vous m’avez accolé. Peu importe ce que vous m’avez fait, je peux vous dire ceci. Et je sais, j’ai toujours su, toujours – c’est une partie du supplice – j’ai toujours su que je ne suis pas un nègre. Mais si je ne suis pas un nègre et si c’est vrai que votre invention vous révèle, alors qui est le nègre? Je ne suis pas la victime ici. Je sais une chose d’une autre… Je sais que je suis né, que je vais souffrir et que je vais mourir. La seule façon de traverser la vie est de savoir la pire chose qui la compose. J’ai appris ceci parce que j’ai dû l’apprendre. Mais vous pensez toujours que le nègre est nécessaire. Et bien, il ne m’est pas nécessaire. Il doit donc vous être nécessaire. Alors je vous offre le problème à l’envers: vous êtes le nègre, pas moi.”– James Baldwin.

Jean-Riad Kechaou

Jean-Riad Kechaou est professeur depuis 15 ans en banlieue parisienne. Auteur d'un essai socio-historique sur le quartier des Bosquets « 93370 Les Bosquets, un ghetto français » (MeltingBook Editions). Il écrit pour MeltingBook et le site de Politis dans un blog intitulé "Un Prof sur le front".

Comments (1)

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    Poupougne

    Un homme meme s’il avait été vert ne saurait qu’il est vert que s’il a déjà vu des hommes qui ne le sont pas.
    Autrement etre un homme vert serait juste etre un homme.
    Dire un homme vert reviendrait à dire d’un homme qu’il serait un homme vert vert. Ce serait dire l’absurde.
    Pour qu’un homme blanc existe il faut obligatoirement que son contraire existe. C’est l’homme noir qui fait exister le blanc. Sans ça il n’est pas un homme blanc. Il est juste un homme.

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