Anaïs Leleux: “M.Collomb, je vais vous expliquer le prosélytisme”
MeltingBook vous propose, chaque semaine, sa sélection de Thread Twitter. Aujourd’hui, celui d’Anaïs Leleux, formatrice laïcité. Après les propos de Gérard Collomb ce matin face à Jean-Jacques Bourdin, elle revient sur le sens du terme “prosélytisme”, dévoyé par le ministre de l’Intérieur.
Je ferais bien la liste des choses qui dans votre politique me choquent aussi @GerardCollomb 🤮🤮🤮, mais comme je n’ai pas toute la journée, je vais me contenter de vous expliquer le prosélytisme ⬇⬇ N’hésitez pas non plus à aller frapper à la porte du BCC (niveau DLPAJ) https://t.co/qpm18ENnuR
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Le prosélytisme est défini par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH pour les intimes) comme « le droit d’essayer de convaincre son prochain » (arrêt Kokkinakis c. Grèce, 1993, § 31).
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Ce droit constitue l’une des formes que peut prendre la liberté d’expression et de manifestation des convictions. Sans lui, « la liberté de changer de religion ou de conviction, consacrée par l’article 9 donc, risquerait de rester lettre morte» (arrêt Kokkinakis c/Grèce toujours)
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
En résumé, le prosélytisme est donc à la fois le prolongement de la liberté d’expression et l’auxiliaire de la liberté de conscience. SAUF que. Comme tout droit, ce droit n’existe qu’encadré. Et qu’il connaît donc des limites.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Limite 1 : Elle est dictée par le principe de laïcité. –> Tout prosélytisme est interdit dans la sphère publique (par opposition à sphère « civile »)
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Dans l’exercice de leur fonction, les agents publics ne disposant pas, dans l’exercice de leurs fonctions, du droit de manifester leurs croyances religieuses ou autres convictions personnelles, il leur est a fortiori interdit d’en faire l’apologie.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
( Ce qui me rappelle qu’un proche discutant dernièrement avec certains de vos agents, M. Collomb, s’est vu demander s’il était catholique. Il avait d’après eux une “bonne tête de gaucho athée”. Eux étaient “patriotes”, je cite. Prosélytisme ? )
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Mais alors quid des usagers du service public ? L’interdiction du prosélytisme ne saurait se justifier par l’obligation de neutralité, puisque celle-ci ne leur pas imposable. Ils ont, dans certaines limites, le droit de manifester leurs convictions religieuses.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Ce qui n’empêche pas qu’ils doivent, dans les services public, “s’abstenir de toute forme de prosélytisme » –> Tu peux porter ton signe religieux à la CAF ou la préfecture, mais c’est pas franchement l’endroit où délivrer un sermon ou distribuer des tracts.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Limite 2 : Le droit au prosélytisme doit, comme tous les droits, s’exercer dans le respect des droits et libertés d’autrui. D’où une distinction entre le « prosélytisme » et ce qu’on appelle le « prosélytisme abusif ».
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
C’est bien joli, me direz-vous, mais comment on distingue ce qui est abusif de ce qui ne l’est pas ? Eh bien, l’abus est généralement caractérisé par le fait que le prosélyte ne cherche pas à convaincre, mais à contraindre. Et dès lors, ça relève du pénal.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
C’est bien joli, me direz-vous, mais comment on distingue ce qui est abusif de ce qui ne l’est pas ? Eh bien, l’abus est généralement caractérisé par le fait que le prosélyte ne cherche pas à convaincre, mais à contraindre. Et dès lors, ça relève du pénal.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
L’article 31 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État (celle dont tout le monde parle mais que personne n’a lu) punit ainsi les auteurs de « violences ou menaces ». mais aussi de tout ce qui est pressions, chantages…
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
D’ailleurs, les « pressions graves ou réitérées ou [les] techniques propres à altérer [le] jugement » tombent sous le coup de l’article 223-15-2 du code pénal, issu de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
En droit du travail, le comportement prosélyte va être jugé abusif lorsqu’il porte atteinte aux libertés des autres, ou lorsqu’il entrave la bonne exécution du contrat de travail.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Enfin, pour ce qui est l’expression des convictions religieuses sur la voie publique et le démarchage religieux dans la rue ou à domicile, la limite le respect de l’ordre public (la sécurité, tranquillité ou salubrité).
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
On retiendra donc que ce n’est pas le port de signes qui, en droit (On est toujours dans un Etat de droit ?), qualifie le prosélytisme ni même le fait de passer à la télé avec un signe. Mais bien les comportements abusifs.
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Speaking of “comportements abusifs”, je note que parmi les missions du ministère de l’Intérieur, figure celle de “Protéger la population contre les risques ou fléaux de toute nature et contre les conséquences d’un conflit éventuel.”
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018
Du coup si on pouvait arrêter de faire le jeu de ceux qui cherchent à nous diviser, ça serait cool. Merci 😘 PS : Je vous remets la DDHC ici https://t.co/vH6jVRJlok et la CEDH là : https://t.co/EI7MxlAYxP
— Anais Leleux (@AnaisLeleux) 18 mai 2018