Aubervilliers un autre regard
Le 22 juillet 2017, toute la journée, le centre-ville d’Aubervilliers vit au rythme du jazz. Un projet né d’un rêve : celui d’un luthier en quête du sourire des habitants.
À Aubervilliers, pas très loin de la mairie et de l’église, dans une petite ruelle, il y a un atelier. C’est celui du luthier pour contrebasses, Bruno Brette. Il y a maintenant huit ans qu’est né à cet endroit, un désir : celui de rassembler les habitants du centre-ville d’Aubervilliers autour de la musique et plus particulièrement le jazz.
Pendant une journée entière au mois de juillet la ville vibre de sons divers. Ce qui intéresse d’abord Bruno, c’est le plaisir des enfants. Offrir à tous les regards le temps suspendu d’un sourire, voilà qui soulage largement la chronophagie de l’organisation d’un tel événement. Car il en faut de l’énergie pour amener sur scène des musiciens de qualité.
C’est toute une organisation qui commence dès l’automne. En ces temps difficiles trouver des subventions n’est pas chose aisée non plus. Il faut savoir garder l’optimisme, croire en ses convictions et ne jamais renoncer. Ce qui fait la force de ce festival “AuberJazzDay » c’est justement ce pari : réaliser son rêve, même quand il y a des avis de tempête. Pas breton pour rien Bruno !
Pascal Iglesias c’est un peu le lieutenant de Bruno. Il est là lui aussi depuis le début. Il est investi depuis très longtemps dans le milieu associatif. Récemment il a contribué à l’organisation d’un spectacle autour de Léo Ferré à Aubervilliers.
Ce 22 juillet, jour du festival, il parcourra la ville à bord d’un triporteur. Histoire d’annoncer l’événement, d’amuser, de s’amuser, de sortir les habitants d’Aubervilliers de cette image bien trop souvent négative qu’on leur envoie.
Cette année, Bruno est ravi. “Il y a de superbes musiciens, et parmi eux il y a Hannabiell qui nous fait le plaisir de revenir pour une deuxième fois. Avec son groupe, Midnight Blue, son trombone basse, et sa folle énergie ça va danser !”
Les musiciens sont très différents les uns des autres. Vendredi soir 21 juillet, dès 20 heures au Grand bouillon, un café culturel de la ville, on pourra entendre l’accordéoniste François Parisi. Il mettra en musique et en paroles, de vieux airs populaires.
L’intérêt est de faire chanter ensemble les gens qui viennent, confie Belka, un des autres piliers du festival, percussionniste aux côtés de François Paris.
Samedi 22 juillet, on offre un plateau de dégustation, renchérit Bruno. Jean-Michel Charbonnel et son quartet jouera dans l’église. Il le connaît bien pour l’avoir invité dans son atelier, où il organise régulièrement des concerts de jazz, une fois par mois, le vendredi.
Didier Daeninckx reçoit le public chez lui, dans son jardin , aux côtés de Marc Perrone. Bertrand Beruard sera aussi de la fête. Son travail est singulier, précise Bruno. Il introduit des sons assez inédits dans sa musique.
C’est ainsi qu’il a monté un morceau à partir des sons de la forge. Travail étonnant en effet que celui qui consiste à transformer en musique ce que l’on qualifie souvent de bruit.
Rajoutons le piano d’Emmanuel Beix au menu et Saïd Mesnaoui, sans oublier l’Italie au rendez-vous de la villa nature pour un apéritif musical avec Giacomo Troncon et Thomas Celnick. Et on finit en beauté avec Hannabiel.
« Cette année précise Bruno, on associe le jazz aux autres arts. Il y aura des peintres, des photographes, un sculpteur, des poètes, un musée des mots. Pour l’occasion on a rebaptisé les rues : rue des semeurs, des mots, des passants, du slam… on s’est associé au projet d’Ariane Leblanc qui s’occupe de la semeuse, un projet de grainothèque et de réflexion critique sur l’urbanisme. Une façon de mettre le jazz au vert. L’idée c’est que les gens viennent avec leur projet, leur désir…ils n’en manquent pas de désirs les gens d’ Aubervilliers ! »
Le soir les adhérents et les bénévoles se retrouvent tous autour de la table en bois. On discute beaucoup, chacun y va de ses avis. Parfois très passionné, le débat autour des derniers préparatifs mobilise tout le monde.
Cette fête du centre-ville est bien plus qu’une fête : c’est le visage d’une ville.
Maryse Emel
Maryse Emel est professeure de philosophie. Elle participe activement à des actions culturelles à Aubervilliers où elle défend une autre vision de ce que l’on désigne du terme de « banlieue ». Elle est également rédactrice à nonfiction.fr.
Festival AuberjazzDay : Programme de la journée disponible .