#Édito Pas de journalisme sans responsabilité
Avec les #GiletsJaunes, c’est dans un climat de défiance vis-à-vis de la #presse, que le 32e baromètre de la confiance des Français dans les#médias (Kantar/La Croix) présente ses résultats.
L’ensemble des supports voient leur niveau de confiance plonger. La #radio, d’habitude intouchable, perd 6 points de confiance sur un an, à 50%, devant la presse écrite (à 44 %, – 8 points), la #télévision (à 38 %, – 10 points). Internet reste à 25 %, comme en 2018..
Si les Français s’intéressent davantage à l’actualité (+5 points à 67%), seuls un quart des sondés jugent les journalistes indépendants.
Dans un contexte de concentration de la presse, la question se pose sérieusement.
Faut-il rappeler que 90% des titres françaises appartiennent à 10 milliardaires ?
D’après Bastamag, ils “possèdent des télévisions et radios qui totalisent respectivement 55% et 40% des parts d’audience!”
Véritable auberge espagnole, la presse française est, donc, détenue, tous azimuts par des marchands d’armes, des entreprises du BTP, du luxe ou de télécommunications.
Quand l’information est à la croisée des intérêts privés.
Est-il encore tenable de passer ce sujet sous silence, de le cantonner à une forme de non-sujet. Aujourd’hui, seuls les médias indépendants sont en mesure d’aborder la question très sensible.
Or, et c’est bien le problème, ces mêmes médias ne disposent pas de la puissance de frappe de la presse de masse. Tout le monde n’a pas la chance (ou les moyens) de toucher 700 000 personnes par émission…
Autre point clé, le journaliste lambda n’est pas responsable mais il en paie un lourd tribut.
Les agressions de journalistes pendant les manifestations des Gilets Jaunes l’ont bien montré. La hiérarchie ne se confronte pas au terrain. Elle briefe, exigeant des angles payants en termes d’audience. Seuls les petites mains sont envoyées. Classique.
Vendre du papier, faire des vues, gagner des parts e marché…
S’il existe bien évidemment des journalistes peu scrupuleux (dont l’attitude ne justifient aucun acte de violence), rappelons qu’un journaliste en presse écrite, télé, radio, internet est lui aussi victime d’un système consumériste de l’information.
Vendre du papier, faire des vues, gagner des parts de marché. Le journaliste lambda, à bien distinguer des têtes d’affiche, est avant tout soumis à une hiérarchie parfois peu soucieuse de la religion des faits, de la rigueur et même aussi de la recherche de la vérité.
L’exemple des violences policières pendant les manifestations des Gilets jaunes est parlant. Des le mois de décembre, Amnesty International, documenté par des internautes, a lancé l’alarme sur l’usage des armes comme le flashball.
Au total, 15 éborgnés recensés par le collectif Désarmons les (4 selon Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur), 1700 blessés chez les manifestants (1000 parmi les forces de l’ordre). Les chiffres sont éloquents. Pourtant, ils n’ont surgi qu’en janvier dans les médias mainstream.
À noter, le formidable travail du journaliste indépendant David Dufresnes qui a, véritablement, permis d’inscrire le sujet à l’agenda médiatique et politique . Or, si les médias ne sont plus cette lanterne qui permet d’éclairer l’obscurité, à quoi servent-ils ?
👉L’objectivité n’existe pas. Pour autant, proposer un regard à partir des faits devrait être la seule règle. Et pas besoin d’être Albert Londres pour le savoir.
L’information n’est pas un produit comme les autres.
L’information raconte le monde, sa complexité. Surtout, elle forme les esprits de demain. Pas de journalisme sans responsabilité. L’enjeu est de taille. La prise de conscience doit l’être tout autant.
La presse doit se remettre en cause. Si elle n’a à subir aucune violence, elle se doit, aujourd’hui, de se lancer dans une introspection collective.
S’interroger sur son rôle dans une démocratie, accepter la critique et s’ouvrir pour mieux accueillir la variété des points de vue. Des trajectoires aussi.
Sociologiquement, d’ailleurs, ces métiers sont restés longtemps réservés à des profils issus de milieux aisés. Une “endogamie” qui, couplée à la concentration de la presse, a , aujourd’hui, des effets désastreux.
Comment produire des récits collés au terrain, raconter et simplifier la complexité de nos sociétés ?
Ce 32e baromètre fournit des chiffres. Surtout, il fournit des clés pour améliorer cette presse qui nous est chère.
À condition d’accepter d’en finir avec les certitudes. Parfois, le doute a du bon. Il vous empêche de reproduire les erreurs de passé.
Or, notre presse a les yeux plongés dans ce qu’elle a été. Et pour être à nouveau, il lui faudra faire table rase du passé. Et de ses certitudes.
Les chiffres parlent d’eux mêmes. Dans son dernier classement dédié à la liberté de la presse RSF (Reporters Sans Frontières) rangeait la France à la 33e place, loin devant les pays scandinaves, le Costa Rica ou le Ghana. L’avenir de la presse semble être ailleurs.
Par Nadia Henni-Moulaï