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Europe/Islam/Djihad : Le groupe Dallah Al Baraka, le fer de lance du prosélytisme saoudien

La brusque floraison des vecteurs saoudiens, de même que le soudaine propulsion d’un complexe multimédia, réalisées en un temps record de trois ans, n’aurait pu être assurée sans l’appui massif d’un consortium saoudien parmi les géants de la finance internationale : le Groupe Dallah Al Baraka, giga porteur médiatique, avec en soubassement sa synergie avec les banques islamiques «Dar El Mal Al islami» et «Banque Islamique Faysal».

Fondé en 1969 à Riyad par Saleh Abdallah Kamel, ce proche des oulémas figure en effet en 4e position sur la «Golden Chain List», la liste des philanthropes saoudiens soutenant le terrorisme international, sans que cela n’ait affecté pour autant ses activités, tant la guerre anti soviétique d’Afganistan primait toute autre considération.

La «Golden Chain List» sur ce lien :

Le Groupe Dallah se proposait au départ d’assurer la sécurité alimentaire du Royaume et de financer des projets de développement dans les pays arabes et musulmans en vue de créer un «marché commun islamique».

Indice irréfutable de la confiance des dignitaires wahhabites, Dallah, trente ans après son lancement, en 1999, était chargé des tâches sensibles alors que le Royaume était le théâtre d’attentats menés par les sympathisants d’Oussama Ben Laden, déchu de sa nationalité cinq ans plus tôt et réfugié en Afghanistan: Entretien ds bases militaires saoudiennes, de la ville sainte de La Mecque et des zones de défense civile.

Dans la décennie 1980, Dallah disposait d’un budget consolidé de six milliards de dollars. Présent dans 43 pays à travers une constellation de 260 sociétés, Dallah employait 60.000 personnes et comptait près de 600.000 souscripteurs opérant dans les divers domaines de l’activité économique: banque média, assurance, industrie, transport, investissements financiers.

1 – DALLAH ET LES MÉDIAS

Fondateur du groupe média ART (Arab Radio and Television) et de l’Islamic Bank of Sudan, le lieu de repli d’Oussama Ben Laden après la déchéance de sa nationalité saoudienne, par ailleurs, artisan majeur du lancement de la première télévision transfrontalière arabe MBC, Dallah disposait de son propre groupe de communication TIHAMA.

Régisseur exclusif de trois grands vecteurs ART (Arab Radio and Television), le journal Al Hayat et la radio française RMC-Moyen orient, TIHAMA occupait une position prépondérante dans le domaine de la publicité. Cet avantage lui conférait une grande flexibilité en matière de tarification publicitaire, de subvention indirecte tant par la répartition ou la rétention des budgets publicitaires que par le drainage des annonceurs.

Présent en Arabe Saoudite dans les principaux domaines économiques (travaux publics, hôtellerie, joaillerie, vêtements, transport), Dallah l’est aussi dans le domaine hospitalier (hôpital Dallah-Riyad) et de l’assistance sociale (Fonds social Kamel Djeddah).

Dansle domaine du tourisme, le groupe a été maître d’œuvre du projet vissant à édifier une «Venise du sud» sur la Mer rouge, cit balnéaire à 45 km de Djeddah, d’une capacité d’accueil de 300.000 personnes (résidents et visiteurs) quasi exclusivement réservée à l’entourage royal.

Toutefois le secteur bancaire constitue le fleuron du groupe. En 1992, selon la revue économique arabe «Al Iktissad Wal Mal», publication mensuelle proche du groupe, Dallah Al Baraka disposait, au niveau bancaire, d’un budget consolidé de cinq milliards de dollars, des dépôts d’un montant de trois milliards de dollars, ainsi qu’un réseau d’une vingtaine d’établissements bancaires et financiers répartis aussi bien dans les pays arabes que dans les pays musulmans d’Afrique et d’Asie.

Parmi les principaux établissements du groupe figurent la Banque Islamique de Jordanie, la Banque Islamique de Bahreïn, la société de financement tuniso-saoudienne (Beit Al Tamwil) ainsi que la banque arabo albanaise pour l’investissement.

2- DALLAH, LE MAGHREB ET LA COMMUNAUTÉ ARABO MUSULMANE D’EUROPE

Actif au Maghreb, notamment au Maroc et en Tunisie, où le propre fils du président, Abdallah Saleh Kamel, a dirigé les activités du groupe jusqu’en 1992, Dallah a opéré de prestigieuses réalisations notamment la construction de la «Cité Internationale de Tunis» avec l’édification d’un site touristique, d’une zone d’habitation de 350.000 habitants, d’un complexe sportif et d’un quartier diplomatique.

Au Maroc, les activités du groupe sont placées au sein d’une holding «Dallah al Baraka-Maroc» ayant son siège à Casablanca. Parmi les principales acquisitions du holding figurent une conserverie de sardines et de maquereaux d’une capacité de production de 120 millions de boîtes par an, une plantation de 50 hectares (bananes, fruits et primeurs) et des immeubles de rapport à Casablanca.

Le holding islamique détint quatre sociétés d’assurance et deux sociétés de réassurances dont la «SOCIETE DE REASSSURANCE TUNISO-SAOUDIENNE» qui couvre le Maghreb central (Algérie, Tunisie, Maroc) avec un prolongement au Sénégal.

3 – LES DÉMÊLÉS DE DALLAH AVEC LA BANQUE D’ANGLETERRE

Le seul accroc intervenu dans l’irrésistible ascension du groupe Dallah s’est produit à Londres, en 1993, lorsque la banque d’Angleterre a suspendu les activités de la Banque Dallah-GB, à l’époque l’unique établissement financier islamique opérant dans la City.

Échaudée par l’expérience de BCCI (Banque de Commerce et de Crédit International), -banque des Émirats du Golfe accusée de blanchiment d’argent de la drogue et mise en faillite en juillet 1991- la Banque d’Angleterre avait enjoint à Dallah d’ouvrir son capital à d’autres partenaires financiers dotés de pouvoirs effectifs de manière à disposer, par ce biais, d’un droit de regard sur les activités d la banque.

Le refus de Dallah d’obtempérer a entraîné la suspension de ses activités soulevant un tollé au sein de la communauté financière islamique qui y a vu une marque de défiance envers les banquiers arabes et musulmans.

Les déboires londoniens de Dallah n’ont pas détourné les dirigeants de leur groupe de leurs nouveaux objectifs.

L’Asie centrale où Dallah a fondé en 1991-1992 la BANQUE DU KAZAKHSTAN POUR L’INVESTISSEMENT, s’associant pour l’occasion, à hauteur de 40 pour cent, à la compagnie russe du pétrole pour la prospection et l’exploitation des gisements de Sibérie.

Le deuxième objectif était le ciblage de la communauté arabo musulmane d’Europe occidentale à l’intention de laquelle le complexe multimédia ART notamment a été édifié en Italie.

Dans cette entreprise, Dallah s’est associée à un homme d’affaires d’origine maghrébine, fin connaisseur du monde audiovisuel, le producteur franco tunisien Tareq Ben Amar, neveu de l’ex président Habib Bourguiba et promoteur du Cinecitta tunisien à Monastir. Tareq Ben Ammar a installé en Août 1995 sur le satellite EutelSat 1 ART EUROPE, le bouquet thématique lancé par le complexe Dallah à l’intention de l’auditoire arabo musulman d’Europe occidentale.

4- DALLAH ET LE FINANCEMENT DU PROSÉLYTISME RELIGIEUX : LA MOSQUÉE DE LONDRES, LA MOSQUÉE DE ROME, LA MOSQUÉE DE LYON ET LE CENTRE ISLAMIQUE D’IVRY

De par sa configuration, le groupe Dallah occupait une position charnière tant en matière de financement des médias pro saoudiens que par la subvention du prosélytisme religieux. Que cela soit à travers son consortium bancaire que par l’entremise de DAR AL-MAL AL-ISLAMI, dont il est actionnaire.

Les facilités financières qu’il peut dispenser, notamment les prêts sans intérêts contribuent à fidéliser toute une clientèle selon les principes islamiques prônés par la dynastie wahhabite.

Organisme financier fonctionnant selon la législation islamique, DAR AL-MAL AL-ISLAMI a été dirigé à sa fondation par le prince Mohamad Ben Faysal, fils du défunt Roi Faysal.

Se superposant à la structure Dallah, le réseau de Dar Al Mal s’est déployé dans la zone du Golfe arabo-persique, l’Asie et l’Europe, notamment Genève, par où transite le financement du prosélytisme religieux à destination des communautés musulmanes immigrées d’Europe occidentale.

Selon son rapport d’activité pour l’exercice 1995, DAR AL-MAL a doublé ses fonds en dix ans, passant de 1,6 milliards de dollars en 1984 à 2,9 milliards de dollars en 1995. Il comptait à l’époque 36.898 clients, en augmentation de près de trois mille clients en un an.

Par l’entremise de ses succursales (Sharjah, Bahamas, Bahreïn) il a été maître d’œuvre du financement de projets à hauteur d’un milliard de dollars en 1995, portant notamment sur des projets au Pakistan, en Turquie et en Indonésie. En Europe, parmi les principaux bénéficiaires des subventions religieuses saoudiennes figurent la Moquée de Londres (10 millions de livres sterling), la Mosquée de Lyon (20 millions de FF), le Centre Islamique d’Ivry, au sud de l’agglomération parisienne, dont les investissements sont estimés à 60 millions de FF, ainsi que la Mosquée de Rome. Ces chiffres ne tiennent pas compte des subvention allouées à titre privé, au nom de la bienfaisance, à des particuliers ou des associations, à l’occasion du Pèlerinage de La Mecque.

5- LA BANQUE FAYSAL ISLAMIQUE

La BANQUE FAYSAL ISLAMIQUE, dont le siège est à Bahreïn, constitue un troisième réseau financier islamique. Fondée en 1982, en pleine guerre anti soviétique d’Afghanistan, l’année du siège de Beyrouth par les Israéliens et de la perte du sanctuaire libanais de l’OLP, la Banque Faysal est particulièrement active dans le Golfe où elle dispose de cinq succursales ainsi qu’au Pakistan,- trois succursales Karachi, Lahore, Faysalabad- ainsi qu’en Égypte et en Indonésie. En Afrique noire francophone, la BANQUE FAYSAL dispose de trois succursales: la BANQUE ISLAMIQUE DE GUINEE, LA BANQUE ISLAMIQUE DU SENEGAL ET LA BANQUE ISLAMIQUE DU NIGER. Avec des dépôts de l’ordre de 1,6 milliards de dollars, la Banque Faysal mène des activités complémentaires au holding Dallah.

Les deux groupes constituent d’ailleurs deux des principaux vecteurs financiers saoudiens, le tremplin du Royaume par son rayonnement dans la sphère arabo musulmane.

6- LA BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT (BID)

Complétant l’édifice la BID est un organisme relevant de l’Organisation de la Conférence Islamique, sous la houlette saoudienne. Fondée en 1974, au lendemain du choc pétrolier, dans le but de financer le développement des états-membres selon les exigences de la «Charia», la BID avait alloué en 20 ans d’existence, en 1994, 14,7 milliards de dollars pour le financement de 2.132 projets à travers la constellation de 51 pays musulmans, dont 431 millions de prêts pour des projets d’assistance privée.

En un quart de siècle, la BID qui se propose d’assurer l’autosuffisance alimentaire des pays musulmans, a quadruplé son capital, en juin 1994, passant de 2,5 milliards de dollars à 8,5 milliards de dollars.

7- LES RÉVÉLATIONS DU SAUDI CABLES

Le site WikiLeaks a publié le 19 juin 2015 près de 61.000 communications confidentielles de la diplomatie saoudienne. Dénommée « Saudi cables », l’opération a étalé au grand jour les manigances extérieures de la dynastie saoudienne et la terreur qu’elle fait régner dans le royaume.

«The New York Times» soutient que l’Arabie Saoudite a mis au point un « système d’influence» financé par l’argent des pétrodollars, accordant des moyens financiers à des prédicateurs à l’étranger, construit des mosquées, des écoles, des centres, soutenant des campagnes pour contrer des responsables et des médias à l’étranger susceptibles de s’opposer à l’agenda du Royaume ».

Le quotidien américain révèle que « des milliards de pétrodollars ont été alloués à dans des organisations islamiques à travers le monde, pratiquant une diplomatie du chéquier », ajouté le quotidien américain, parvenu à cette conclusion après avoir épluché 60 000 documents, sur près de 400 000 supplémentaires en attente de publication selon WikiLeaks.

Oussama Hassan, chercheur en études islamiques à la fondation Quilliam à Londres, cité par le quotidien américain, précise qu’il s’agit de «milliers et de milliers d’organisations militantes et religieuses (…) directement ou indirectement financées par eux » à travers le monde.

Cécité politique? Cupidité exacerbée? L’alliance perverse d’une diplomatie du «soft power» mâtinée de l’islam le plus régressif et de l’esprit de lucre des décideurs occidentaux a généré la plus forte déflagration de l’Islam takfiriste dans la sphère euro-arabe : Toulouse, Montauban, Paris, Isère, Bruxelles, Amsterdam, Londres, Madrid, Marathon de Boston et Tennessee, Bardo, Sousse (Tunisie), Barcelone, Manchester, sans oublier ses métastases au Nord Mali et dans la zone sahélo-saharienne, autant de rétro-commissions perçues par les pays occidentaux pour prix de leur alliance avec le plus infréquentable des régimes arabes.

Sans compter l’Arabie Saoudite, qui a été, en 2015, la cible de 30 attaques terroristes, soit une attaque tous les 15 jours, selon les statistiques du ministère saoudien de l’Intérieur.

La mise en faillite du conglomérat Ben Laden, en 2016, en prenant prétexte de l’accident de la grue de la Mecque qui avait fait plusieurs dizaines de victimes un an plus tôt, de même que l’incarcération du fondateur du groupe Dallah Baraka, en 2017, sous le faux prétexte de la guerre saoudienne contre la corruption paraissent destiner à gommer toute trace des turpitudes saoudiennes des décennies passées afin de donner des gages aux États-Unis et à leurs autres complices occidentaux et échapper ainsi à la justice internationale, matérialisée par la Loi Jasta, autorisant tout citoyen américain à poursuivre le royaume pour sa responsabilité dans le raid du 11 septembre 2001, contre les symboles de l’hyper puissance américaine.  Une véritable épée de Damoclès suspendue sur la tête de la dynastie wahhabite.

René Naba 

René Naba, directeur du site Madaniya
René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres (Golias), Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français (Harmattan), Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David (Bachari), Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIe siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est directeur du site Madaniya.

NOTE :

Arabie saoudite: «Unique entreprise familiale au Monde à siéger à l’ONU, voir Chapitre V «Guerre des Ondes, guerre des religions, la bataille hertzienne dans le ciel espace méditerranéen». René Naba – Harmattan 1998

Raconter, analyser, avancer.

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