Gaspard Gantzer : “Ce périphérique est une frontière à dépasser”
[#Interview]
Il s’est fait connaître comme patron de la communication de l’Elysée sous la présidence Hollande. Gaspard Gantzer, candidat indépendant à Paris en 2020, entend visiblement ravir la mairie à Anne Hidalgo. S’il a peu de chances d’être élu, cet outsider compte déjouer les pronostics. Un peu comme Emmanuel Macron, ancien camarade de promo à l’ENA ?
N.H-M : Les Gilets Jaunes, en tant que candidat aux élections municipales à Paris, quel regard portez-vous sur ce mouvement de fond et dont Paris en a été en grande partie le théâtre ?
Gaspard Gantzer : J’ai été suffisamment patient et tolérant vis-à-vis des Gilets Jaunes. Au début, je trouvais qu’une partie de leur revendication était légitime et portait même des discours intéressants sur la démocratie et l’écologie.
Mais, je trouve que cela a trop duré. Il y a eu plusieurs épisodes de casses et de violence, trop d’intolérance, de bêtise.
Qu’est ce qui justifie de s’en prendre à un kiosquier, de détruire des vitrines et d’endommager des immeubles d’habitation ? Il faut être sévère. Que la justice et la police fassent leur travail et que ceux qui appellent à la haine soient condamnés.
Voilà pour le court terme. Après, il faut que les blessés soient soignés, accompagner les commerçants qui ont subi un coût important.
Paris, une fois de plus, montrera sa résilience et j’espère que dans un an quand nous accèderons à l’hôtel de ville, il n’y aura plus de Gilets Jaunes.
Autrement cela voudra dire que Macron et son gouvernement auront été incapables d’endiguer le phénomène. Il faudra reconstruire et j’espère que Paris aura tourné cette page. Ses habitants veulent retrouver Paris tel qu’ils l’aiment.
N. H-M : Concernant la gestion de ces événements par Anne Hidalgo, quel est votre point de vue ?
G.G : Je pense que ce n’est pas le domaine dans lequel elle a commis le plus d’erreurs. Elle n’a pas fait grand-chose à part protester. Mais, je ne sais pas si elle aurait pu faire quelque chose d’autre. Mais, elle n’a pas commis d’erreur. C’est déjà ça.
N.H-M : Durant cette campagne, votre cœur de cible électoral sont bien les familles et les classes moyennes. Quid du Paris populaire ?
G.G : Plus que populaire, pauvres, extrêmement pauvres même. Paris figure parmi les villes où il y a des inégalités extrêmement fortes.
Il y a des gens très riches, des classes moyennes prises en étau et des gens très pauvres, des SDF, des enfants des rues et des personnes en logement sociaux, qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts.
Cela fait plusieurs semaines, que je vais partout dans Paris, que des Parisiens et Parisiennes m’ouvrent leurs appartement, que j’organise des débats. Et j’ai privilégié, dans un premier temps, le 18e, 19e, 20e, le sud du 13e, 14e et du 15e.
Les gens souffrent de pauvreté, de dégradation de l’espace public et d’insécurité. Anne Hidalgo et l’équipe actuelle ont abandonné cette population.
N.H-M : Parmi les critiques récurrentes, il est reproché à Anne Hidalgo d’avoir fait de Paris une ville pour les touristes et les plus aisés…
G.G : Les gens souffrent de tous les maux de la ville. Personne ne s’est occupé des plus pauvres à Paris. L’insécurité, la pauvreté, la dégradation des transports.
C’est pour cela que je pense que la priorité, ce sont les transports publics. C’est pour cela qu’il faut une police municipale parisienne.
C’est pour cela que je pense qu’il faut être extrêmement vigoureux et offensif pour nettoyer la ville. Parce que ce sont, justement, les plus pauvres qui en souffrent.
Autre point que vous soulevez, la saleté de la ville qui détonne presque avec le rang de Paris, comme ville la plus visitée au monde. Ce point de votre campagne paraît presque étrange dans une campagne municipale pareille…
Ce n’est pas étrange d’en parler car c’est une réalité. Paris est en une phrase affreusement sale, affreusement sale.
Quand vous discutez avec ses habitants, ils vous parlent du logement et de la saleté. Pourquoi ? Parce qu’il y a des incivilités, une surdensité urbaine et un service public défaillant. Il faut agir de façon extrêmement vigoureuse.
N.H-M : Que proposez-vous ?
G.G : Premièrement, il faut certainement plus de tri sélectif en amont. Deuxièmement, il faut durcir les amendes contre ceux qui ne respectent pas l’espace public, qui font des épanchements d’urine, des déjections canines.
Aujourd’hui, c’est 68 euros d’amende. Je pense qu’il faut monter à 200 euros et créer une police municipale qui aurait la responsabilité de faire respecter cela.
Dans l’organisation des services publics, il faut notamment donner la priorité à la collecte des ordures, qui fonctionne, mais aussi au nettoyage au quotidien des rues de la ville.
C’est pour cela que j’ai créée la création d’une armée robotisée qui viendrait aider les éboueurs à nettoyer les trottoirs au quotidien.
Qui peut croire, aujourd’hui, que l’on peut nettoyer la ville avec un balai et un sac plastique ? C’est comme de nettoyer votre appartement avec une brosse à dents.
Il faut des véhicules intelligents, des aspireuses, des machines à jets d’eau, des petits véhicules qui pourraient être pilotés par des hommes.
N.H-M : Qu’en est-il de la mentalité française ? Ce rapport à l’espace parisien révèle, en creux, un rapport à l’espace public, au pays même…Il y a quand même un cas français.
G.G : Encore une fois, je pense qu’il y a des incivilités qu’il faut très sévèrement réprimer.
C’est pour cela que je propose des amendes de 200 euros pour ceux qui ne respectent pas l’espace public, qui laissent, par exemple, leur chien faire des déjections dans l’espace et qui ne les ramassent pas ou ceux qui urinent partout dans la ville.
Quand quelqu’un se prend une amende de 200 euros, je peux vous dire qu’il ne recommencera pas !
N.H-M : Dans votre programme, vous préconisez d’armer la police municipale. Dans un contexte où la France est, régulièrement, épinglée pour les violences policières et l’impunité dont jouit sa police, selon Amnesty Internationale, n’est-ce pas délicat de doter ces agents municipaux d’armes ?
G.G : On peut parler des violences policières mais on peut aussi parler de celles de délinquants.
Une personne s’est fait tuer dans le 16e à Exelmans, il y a des rixes entre bandes, il y a un an, un certain Hismaël, s’est fait tuer à l’arme blanche à Bastille, un autre s’est pris une brochette dans une boucherie…
Je suis désolé mais si l’on veut que la police soit efficace, on ne peut pas la laisser avec des pistolets à eau face à des délinquants chevronnés, très organisés et qui se battent à l’arme lourde.
Je ne renverserai jamais la charge de la preuve entre le délinquant et le policier. Le premier agresse. Le second protège.
N.H-M : Je ne vous parle pas de délinquants « chevronnés » et « lourdement armés ». Je vous parle de gens qui ont subi un contrôle-très souvent au faciès- qui a dérapé. Il y a eu Ali Ziri à Argenteuil, Adama Traoré à Villiers-le-Bel…
G.G : Je pense que vous m’avez très bien compris. L’objectif de la police est de lutter contre la délinquance.
Je ne permettrai jamais que l’on puisse dire que les policiers ne doivent pas être armés et ne doivent pas être en situation de faire leur travail ! Je ne laisserai pas des policiers aller se confronter à des bandes chevronnées.
Après évidemment, il faut les contrôler et les sanctionner quand il y a des abus. Ce n’est pas parce qu’il y a de temps en temps des bavures, que tous les policiers sont des délinquants.
N.H-M : Personne ne dit cela… Mon propos est bien plus nuancé et se base sur des faits et des chiffres, notamment ceux d’Amnesty International.
G.G : Mais, je vous dis ce que je pense ! J’ai vécu les attentats de Paris. Je sais que les policiers paient de leur vie le fait de nous protéger.
N.H-M : Ce n’est pas de cela dont je vous parle. Vous répondez à côté. Je vous parle de la question des contrôles au faciès qui ont abouti à 578 morts en 42 ans…
G.G : Je veux vous parler d’Ahmed Mérabet, français de confession musulmane, tué par les frères Kouachi, de Xavier Jugelé, tué sur les Champs-Elysées, du couple de policiers assassiné chez lui à Magnanville, par un terroriste.
Je défendrai toujours les policiers. Vous me donnez l’occasion de rendre hommage à notre police.
Je suis extrêmement fier de notre police. Vous n’avez pas dit que vous étiez fière de notre police…
N.H-M : Comme tout citoyen, je suis bien contente de faire appel à elle quand j’en ai besoin. Je dois montrer patte blanche, c’est cela ?
G.G : Non pas du tout.
N.H-M : Autre sujet, vous êtes pour la suppression du périphérique. Pourquoi ?
G.G : La première raison, c’est parce que c’est l’endroit le plus moche de Paris. La seconde, parce que c’est le plus pollué de Paris.
Je me suis rendue dans une école élémentaire située Porte de Bagnolet. La cour de l’école où des enfants jouent avec des balles en mousse, donne sur le périphérique.
C’est criminel de laisser un axe autoroutier de deux fois quatre voies à proximité de nos familles et de nos enfants.
La troisième raison est que le périphérique empêche la réconciliation de Paris et du Grand Paris. Il y a une ségrégation entre Paris intra-muros et sa banlieue.
Il faut les réconcilier et reconstruire le Grand Paris. C’est le sens de l’histoire de Paris. Jusqu’en 1960, Paris a grandi, administrativement et politiquement, à la mesure de son expansion urbaine. Ce n’est plus le cas depuis cette période.
Ce périphérique est un mur qu’il faut abattre, une frontière qu’il faut dépasser. La fin du périphérique nous mettrait dans la même dynamique que les grandes métropoles européennes.
Que ce soit à Londres, Berlin, Madrid ou Barcelone- des villes deux à trois fois plus grandes que Paris-, il y a plus d’air et surtout plus d’espace pour faire vivre les Parisiens et les Grands Parisiens ensemble.
N.H-M : Vous pensez vraiment que les Parisiens les plus aisés ont envie de voir cette frontière, également symbolique, entre leur ville et la banlieue tomber ?
G.G : En fait, nous n’avons pas le choix. Je ne sais pas si électoralement, c’est rentable ou pas mais je sais que c’est le sens de l’Histoire.
C’est pour cela que nous allons convaincre. Faire de la politique, ce n’est pas flatter les conservatismes.
N.H-M : C’est se faire élire aussi…
G.G : Non, c’est avoir de l’audace et convaincre. On veut construire une nouvelle frontière pour Paris. On veut construire Paris en grand. On ne veut pas gérer la misère. On veut faire progresser la ville.
N.H-M : Justement, depuis les banlieues, se rendre à Paris n’est pas toujours une évidence, notamment pour les jeunes habitants qui ne s’y sentent pas toujours accueillis. Au-delà du périphérique, comment faire de Paris, une capitale pour tous ?
G.G : Je pense que les vraies frontières, elles sont dans les têtes. Evidemment, il y a des problèmes de transports et d’isolements.
Quand vous allez à Clichy-sous-Bois, ce n’est pas très facile. Mais, les vrais murs sont dans les têtes.
Symboliquement, il faut abattre le périphérique. Ensuite, il faut travailler à la solidarité, l’échange entre tous les territoires et toutes les populations du Grand Paris.
La jeunesse, la culture, la créativité de cette métropole, aujourd’hui, elles sont de l’autre côté du périphérique.
Regardons ce qu’a fait Berlin avec les anciens quartiers est, New York avec le Queens, le Bronx ou Brooklyn ou encore à Londres. Ce sont dans les marges que l’on réinvente et ce sera pareil à Paris.
N.H-M : En parlant de Londres, comment Paris peut tirer son épingle du jeu avec le Brexit ?
G.G : Paris peut bénéficier du Brexit pour assumer son statut de leader européen d’un point de vue économique, urbain ou culturel.
En revanche, je ne souhaite pas que des dizaines de milliers de Londoniens viennent à Paris.
Si c’est pour qu’ils provoquent une hausse de l’immobilier, cela ne m’intéresse pas. Je veux Paris aux Parisiens.
N.H-M : Autre enjeu à venir, les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Le 93 va être fer de lance de cet événement majeur. Mais, si vous êtes élu, comment comptez-vous impliquez la ville ?
G.G : J’ai toujours été favorable à l’organisation des jeux olympiques, notamment quand je travaillais à l’Elysée aux côtés de François Hollande.
À cette époque, la maire sortante, Anne Hidalgo n’y était pas favorable d’ailleurs. Je suis, donc, ravi que Paris ait été retenue. Cet événement doit être une belle compétition pour les athlètes mais aussi pour les habitants qui doivent en trouver les opportunités.
En tant que sportif, je pense que Paris doit être la ville du sport mais surtout des sportifs.
J’ai envie que les Parisiens de tout âge, de tous milieux sociaux, puissent faire du sport au quotidien. C’est un enjeu de santé mais aussi de solidarité. On se retrouve autour du sport.
Les JO doivent être un moteur pour le développement de la pratique sportive à Paris.
N.H-M : La question des places en crèches à Paris est un serpent de mer. A.Hidalgo a prévu d’en créer 5000 d’ici 2020…dans un an. Elle en est à 1000. Vous proposez 10 000 places. Cela paraît utopique…
G.G : Non, cela ne l’est pas du tout. C’est prioritaire. Les familles fuient Paris car elles ne parviennent pas à se loger mais aussi parce qu’elles ne sont pas assez accompagnées du point de vue services publics.
Donc, si l’on veut rendre la ville attractive pour les familles, il faut mettre le paquet sur le sujet. La ville dispose d’un budget de fonctionnement et d’investissement de 10 milliards d’euros par an.
10 000 places de plus en crèche sont tout à fait absorbables par le budget de la ville. Après, il faut être volontariste pour trouver les lieux et les espaces pour le faire mais c’est tout à fait possible.
On arrive bien à construire des logements. Si l’on consacrait autant d’énergie aux crèches plutôt qu’à refaire une place pour la dixième fois, on y arriverait sans problème.
N. H-M : Vous avez été le directeur du pôle communication à la présidence de la République pendant le mandat de François Hollande. Impossible de ne pas évoquer la séquence « déchéance de nationalité », proposée par le Premier ministre de l’époque M.Valls. Une mesure qui a fortement marquée les Français, héritiers de l’immigration et jeté l’opprobre sur ce gouvernement socialiste. Comment cela se gère un épisode pareil ?
G.G : Cela se gère mal. Cela a été une erreur qu’il n’aurait jamais dû faire. Je regrette amèrement qu’il y soit allé. Erreur fatale.
N.H-M : Politiquement, vous n’êtes pas dans la meilleure posture pour gagner Paris…
G.G : Vous savez quand on se lance dans un combat électoral, c’est toujours pour gagner. Je vais tout donner jusqu’au bout. Nous sommes outsiders mais on est les seuls à avancer des idées pour l’instant. Tant mieux que les gens nous sous estiment. Nous sommes conscients de notre force et certains regretteront amèrement de nous avoir sous-estimés.