Hayette Hamidi, est-elle (déjà) un animal politique?
Hayette Hamidi va-t-elle devenir députée de Seine-Saint-Denis en juin prochain ? A 32 ans, elle vient de décrocher l’investiture de Les Républicains pour la deuxième circonscription de ce département, où elle est déjà élue municipale au Blanc-Mesnil depuis 2014.
Depuis la surprise François Fillon, grand vainqueur aux primaires de la droite et du centre, Hayette Hamidi est en première ligne. Il faut dire que la présidente du think tank patriote France Fière et porte-parole de Sens Commun 93 déploie une stratégie, qui s’avère payante.
Hayette Hamidi lors du lancement de France Fière, le 9 juin 2015
Si la jeune femme, charismatique, agace, certains, par son opportunisme politique, avec elle on est loin des pieds nickelés type Malek Boutih, député PS ou Fadela Amara, ancienne ministre, vus au mieux comme des incompétents, au pire comme des opportunistes. Il faut le reconnaître.
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Car Hayette Hamidi a un objectif visiblement. Se faire une place une place parmi les cadors de la politique mais aussi porter ses valeurs, aussi controversées soient-elles. De ce point de vue, Hamidi a tout d’une grande. Elle a bien intégré les codes de l’arène politique.
Pour preuve, la façon dont elle a manœuvré lors des primaires de son parti. Selon une source, Hayette s’est acoquinée avec Fillon à « la 25e heure », souffle-t-elle, ironique.
Dans un article paru dans Le Parisien, le 6 septembre, elle était sceptique quant au ralliement rapide de « Sens commun », le mouvement dont elle est la représentante dans le 93, à François Fillon.
D’aucuns lui prêtaient des accointances avec Sarkozy. Or, nous sommes en politique. La vérité semble être un peu plus complexe. Fervente militante de la Manif pour tous, combat clé par lequel elle entre en politique, le mouvement aurait noué « un pacte » plus ou moins secret pour faire perdre Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy et Hayette Hamidi lors du colloque France Fière
“Identité(s) française(s). Entre fierté et désamours”
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La raison ? En janvier 2016, il annonce ne pas vouloir détricoter la loi en faveur du mariage gay. Une décision qui provoque l’ire de la présidente du mouvement, Ludovine de la Rochère. Sur le terrain, les réseaux proches de la MPT s’activent. Il faut sauver le soldat Fillon.
Alain Juppé, présent lors du lancement de France Fière, le 9 juin 2015
Une stratégie payante dont Hayette Hamidi va tirer profit. C’est seulement à l’entre-deux-tours, qu’elle affiche, clairement, son soutien à François Fillon (au nom de son think tank), se délectant de voir Alain Juppé, défait, reprendre le terme « patriotisme ». Le terme faisant partie du « champ lexical » de France Fière….
Des convictions et de la méthode
A la lumière de ces éléments, difficile de le nier. Hayette Hamidi s’affirme comme un animal politique, avec tout ce que cela induit. Une posture qu’elle semble avoir aiguisé lors de l’âpre bataille menée contre le projet de loi Taubira pour le mariage gay, en 2013. La jeune femme semble prête au compromis pour contenter son appétit politique.
Hayette Hamidi, à la tribune de La Manif pour tous
manifestation parisienne du 2 février 2014
Un parcours sans faute. Après avoir suivi toute sa scolarité dans l’enseignement privé, elle se présente comme avocate. Elle aurait exercé dans un cabinet parisien. Spécialités? Droit des affaires, fiscalité et droit des sociétés. Or, son nom ne figure ni au barreau de Paris, ni à celui de Seine-Saint-Denis. Même diplômé en droit, il faut y être inscrit pour se dire avocat.
Rapidement, le destin s’en mêle. Un soir, elle discute avec un ami de sa ville. « J’apprends que le Collectif citoyen a vu le jour au Blanc-Mesnil. Ce groupe de militants tous azimuts me propose de les aider. Je me rends à leur réunion un peu par politesse », confie t-elle. Elle, qui est engagée initialement à l’extérieur de sa ville, tombe des nues.
« J’y rencontre des profils fascinants déjà lancés dans l’arène politique. Certains ont même obtenu des scores impressionnants aux derniers scrutins dans leur ville ».
Hayette Hamidi observe, étonnée, ce qui se joue sous ses yeux. « Je ne savais pas que les militants issus de l’immigration en étaient à l’étape stratégique de l’analyse et de la réflexion politique en quelque sorte… », avoue t-elle.
Bien décidé à en finir avec le règne des communistes dans sa ville, le collectif en question soutient la droite. Un positionnement qui fait écho à celui de Hayette Hamidi.
Les limites de l’associatif
« Je suis entrée en politique par l’associatif et par un sujet de société, le mariage pour tous ». Elle bat le pavé avec la Manif pour tous, « émue par l’accueil que les catholiques réservent aux musulmans dans les manifestations ».
Fermement décidée à soutenir la politique de la famille et associée à la Manif pour tous, elle est, également, farouchement opposée à la GPA. Un engagement assumé qui la conduit, par la suite, à rejoindre l’UMP.
Très vite, elle s’implique aux côtés du collectif. « Je travaille les tracts, les programmes. Ensemble, nous parvenons à négocier des engagements et une représentation sur la liste du candidat Thierry Meignen, un chef d’entreprise pragmatique ».
La campagne bat son plein autour des thèmes qui parlent aux quartiers : emploi, logement, éducation, sécurité…Pari gagné. L’équipe remporte les élections.
Après la victoire, elle échange avec le nouveau magistrat de la ville sur ce que peut-être sa contribution. « Je te laisse me proposer la délégation de ton choix ». Seule condition pour elle : « il me faut un challenge ! » Bingo.
Madame sécurité
Elle obtient la police municipale. « Je suis persuadée que la première des libertés, c’est la sécurité ». Et d’ajouter, « la délinquance touche tous les habitants régulièrement agressés par les petites frappes… »
Avec un discours volontariste en matière de sécurité, Hayette Hamidi tente de trouver le bon compromis entre une police efficace et appréciée par les habitants… « Le plus gros enjeu a été de recruter un chef de police capable de faire appliquer la loi tout en prônant le dialogue avec les habitants ».
Et si à l’échelle locale, elle a trouvé sa place, à l’échelle de son parti- qu’elle rejoint après les municipales- c’est, également, chose faite avec cette investiture aux législatives. Profondément gaulliste, elle veut s’imposer comme une élue incontournable.
« Depuis 2014, il y a une vraie dynamique pour rénover la droite ». Et la victoire de François Fillon, donné perdant à la primaire, en est un exemple. Pour cela, elle compte bien placer les territoires au cœur de cet élan.
« Les quartiers populaires concentrent un vrai potentiel : nous devons les libérer économiquement, redonner une dignité aux habitants, ainsi que la fierté d’appartenir à notre pays ».
Autre question brûlante, « l’école, où 20% de nos élèves de sixième ne maîtrisent pas les fondamentaux-lire-écrire-compter! L’éducation de nos enfants doit redevenir une priorité indiscutable pour notre pays dans la mesure où ces enfants sont l’avenir de la nation ».
Des mots clés, des convictions assumées et la députation en ligne de mire. En trois ans, Hayette Hamidi a déjà déployé la panoplie de la politique expérimentée. Reste pour elle à passer le baptême du suffrage…national. Et à gérer ses détracteurs. De plus en plus nombreux…
Nadia Henni-Moulaï