Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, enseignant et auteur spécialiste de l’islam et des libertés publiques. Il revient sur l’incendie de la salle de prières de Château-Thierry (Aisne). Loin du simple fait divers, il explique cet acte criminel est une menace pour notre démocratie.

Une salle de prière, dans le département de l’Aisne, a fait l’objet d’un incendie volontaire et le Parquet a ouvert une enquête afin de déterminer les personnes qui sont derrière cette sordide affaire. Quoiqu’il en soit, un tel acte, s’il doit être condamné de la manière la plus ferme, appelle à plusieurs réflexions autour de notre modèle démocratique mais également autour de la question de l’état d’urgence.

Le passe-droit populiste menace notre démocratie

Il va de soi que de tels actes, de nature délictuelle, ne peuvent pas être tolérés dans notre pays. Pays dans lequel, suite aux attentats terroristes qui ont remué les populismes, la fraternité a été entamée mais dont l’attachement très fort à la démocratie demeure une notion essentielle de notre conception institutionnelle.

Ce type d’agissements démontre plusieurs choses. Les individus qui sont derrière tout cela, s’ils s’avèrent qu’ils étaient motivés par des pulsions islamophobes, devront être doublement réprimandés par l’Etat. Notre démocratie ne voit pas les religions ou les manifestations publiques des religions – dont les mosquées font partie – comme une entrave à l’aboutissement d’une société purement démocratique. Bien au contraire. Le principe de laïcité et la structuration de notre société voient les édifices religieux comme des marques historiques de notre tolérance religieuse.

Or, ces individus, en brûlant la salle de prière en utilisant des morceaux de Coran sont en train d’insulter la France à double titre : d’abord, en se moquant bien volontiers des règles de droit élémentaires de notre Etat et ensuite en balayant d’un revers de la main notre Constitution, la liberté de conscience et la liberté de religions, autant de principes fondamentaux auxquels nous sommes, ès qualité de citoyens français, attachés.

Si les populismes tentent de faire rappeler à notre société qu’elles sont trop en conformité avec le système, ils nous proposent souvent d’en sortir avec la violence, des mots ou des actes, ce qui ne saurait être toléré par les modérés que nous sommes.

L’état d’urgence doit être – et est déjà – plus large

Il est absolument patent que beaucoup de Français -et moi le premier- se sont montrés inquiets face à la prolongation ad vitam aeternam de l’état d’urgence qui permet de faire fi des autorités judiciaires de notre pays, tout en donnant une certaine concentration de pouvoirs de police entre les mains du Préfet, autorité administrative et déconcentrée de l’Etat.

Or, il est surprenant de voir que lorsqu’une salle de prière prend feu, la protection de l’ordre public et de la sécurité des citoyens ne pousse pas le Gouvernement a adopté des mesures exceptionnelles pour rechercher les auteurs de cet acte délictuel. Au contraire, on apprend qu’une information (enquête) est ouverte et que c’est au bout de l’enquête judiciaire en bonne et due forme qu’interviendront les constats des mises en responsabilité.

Cela ne s’avère pas moins scandaleux. La protection des citoyens musulmans est une nécessité primordiale dont le Gouvernement doit aujourd’hui prendre acte avec la plus grande fermeté et sans concession. Si leur protection passe par l’actionnement de plusieurs mesures dérogatoires au droit commun, pourquoi ne pas les utiliser lorsque l’état d’urgence est actuellement reconduit par le Parlement ?

Asif Arif