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L’artiste Maya-Inès Touam poétise ce voile si politique

Après Alger, c’est à Paris que l’artiste-plasticienne, Maya-Inès Touam pose son œil artistique. Son projet, « Révéler l’étoffe » consacre les femmes arabo-musulmanes. A travers une série de portraits, elle déconstruit la question du voile, sujet subversif en France. Quand l’art permet de contrer l’instrumentalisation politique.

Maya-Inès Touam est à la croisée des univers. L’artiste, basée à Paris, a exposé « Révéler l’étoffe #1 » au printemps 2016, notamment à Paris et New York.

Un projet artistique pour comprendre le rapport des femmes au voile, qu’elles le portent ou non. Et pour appréhender ce sujet, cette « néophyte » de la question s’est mise en situation. A Alger, d’abord.

L’Algérie, retour aux sources

Une première pour elle qui n’a encore jamais visité Alger. Née de parents algériens, Maya-Inès Touam connait un peu Constantine. En 2014, Alger la blanche lui ouvre les bras. Elle y lance la première étape du projet.

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Maya-Inès Touam

 « J’y suis allée en pleurant de joie », se rappelle-t-elle, encore émue. L’occasion pour elle de raconter son histoire en filigrane du projet. C’est ce qui explique peut-être la force de Révéler l’étoffe. Et de son propre aveu, ce voyage va la transformer.

« C’est un pays que je ne connaissais pas, avec des codes différents ». Habituellement si « pressée au quotidien », Maya-Inès s’adapte au temps algérien. « En France, je vais faire 5-6 choses dans la journée mais là-bas je me suis mise au rythme ».

Billet d’un mois en poche, elle navigue à vue au grès des rencontres. « J’ai appelé Thomas », son ami, devenu son associé depuis. « On a shooté pendant 15 jours. Des femmes tous les milieux, voilées ou non » se prêtent au jeu.

Poétiser ce voile si politique

Une façon pour l’artiste d’introduire de la poésie dans un sujet devenu très politique en France. « Je n’ai jamais compris pourquoi on nous assommait avec le voile et comment ce symbole de la piété de ma grand-mère est devenu l’objet du scandale », souligne-t-elle.

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Révéler l’étoffe #1 Alger

 

Ces interrogations nourrissent, alors, Révéler l’étoffe #1 d’une passion, celle de l’artiste en quête de compréhension du monde qui s’offre à lui. Un préalable certain à la création artistique. Maya-Inès Touam y met du sien dans cette aventure. Dans tous les sens du terme.

De retour d’Alger, « le projet m’a pris aux tripes », l’habitant de « manière positive ». Surtout, ses clichés tapent dans l’œil des professionnels de l’art. Maya-Inès Touam avait vu juste. Qu’il crispe ou séduise, le voile ne laisse pas indifférent.

Et réinterprété à l’aune artistique, « montrer le voile » façon Maya-Inès, il procède même de la catharsis. Une catharsis qui le débarrasse de toute la dimension politique qu’il a revêtu ces dernières années.

clic familial

Surtout, Révéler l’étoffe, dépasse la simple question du vêtement. Avant de se lancer, Maya-Inès Touam a beaucoup interrogé le parcours de ses proches. De sa grand-mère, principalement.

Tout commence, pendant ses études aux Beaux-Arts. Une école qu’elle a la chance d’intégrer en 2008. « J’ai visité ce lieu et je suis tombée amoureuse », se rappelle-t-elle. « C’est une école à part. C’est un espace serein propice à la création, un havre de paix ». Après un concours en trois étapes, elle rejoint cet établissement où de nombreux artistes sont passés. « Aux Beaux- arts, tu ne vas pas en cours. Tu vas en ateliers.  Tu évolues avec des gens très différents ».

Révéler l'étoffe #1 Alger

Révéler l’étoffe #1 Alger

C’est dans les murs de ce lieu si particulier que Maya-Inès affine son chemin.

« J’étais en deuxième année ». Elle décide d’archiver les souvenirs de ma grand-mère ». Confrontée à des soucis de santé, « elle était ailleurs en quelques sortes. Mais dès qu’elle entendait l’appareil photo, elle se ressaisissait ».

Le projet marque le début d’une longue réflexion sur les femmes arabo-musulmanes. « J’ai questionné les différences entre les femmes orientales et occidentales… ».

Une approche inédite aux Beaux-arts. « J’ai découvert des pionnières comme Lalla Essaydi, une artiste marocaine ou l’Iranienne Shirine Neshat, toutes deux installées à New York ». Des sources d’inspiration qui la confortent dans ses convictions.

Ouvrir la voie/voix

En tant qu’artiste, « j’ai senti que j’étais dans la continuité d’un mouvement, que des pionniers y avaient ouvert la marche, de continuer à mon niveau cette expression », confie-t-elle. Un cheminement qui l’aide, alors, à faire des choix.

« Les Beaux-arts créent des artistes mais ne forment pas à des métiers. On est tellement de loin de la réalité ». Son père, médecin, s’alarme alors : « explique-moi ma fille. Une de mes patientes est vendeuse et elle a fait les beaux-arts ». Constat cinglant, certes.

Reste que le destin entre rapidement dans la danse. Son exposition de fin d’études autour des femmes arabo-musulmanes est repérée par une galerie italienne. Des galéristes la contactent très vite. Direction Turin avant de s’envoler pour New-York, Los-Angeles, le Maroc et bien sûr l’Algérie.

La fin d’une époque, celle des Beaux-arts. Le début d’une autre, celle de la vie d’artiste. « J’ai été mon propre cobaye avec ce projet Révéler l’étoffe », ironise-t-il. « Je ne me suis jamais intéressée au voile en France. Il y avait toujours ce renvoi à l’orientalisme… ».

Depuis, la réappropriation du récit par les concernées a bougé les lignes. C’est justement le thème de Révéler l’étoffe #2.  Le projet Paris sort bientôt. La France est un terrain propice à l’art d’avant-garde.

Nadia Henni-Moulaï

 

Raconter, analyser, avancer.

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