L’association Forum des Mères et des Familles au Blanc-Mesnil (93) développe une initiative d’aide alimentaire des plus efficaces en arrivant à nourrir plus de 310 personnes avec seulement 175 euros. Au cœur de ces actions de solidarité, une brigade de mamans du quartier emmenées par l’infatigable Moulat Leyama, cuisinière de son état.

Nourrir 310 personnes avec 175 euros, moins de 60 centimes par personne. C’est le tour de force de Moulat Leyama et des femmes de l’association Forum des Mères et des Familles au Blanc-Mesnil.

Une initiative solidaire autofinancée, où elles femmes se mettent au fourneau pour cuisiner des repas pour tous. Pour cette première c’est un maffé (plat africain à base de pâte d’arachide) qu’elles ont confectionné.

40 kg de riz, un demi mouton, 6 boîtes de pâte d’arachide, 2 boîtes de concentré de tomate leur seront notamment utiles pour préparer le mets.

Mme Sisse Wague, Mme Tamboura, Mme Diarra, Mme Kanté ont toute répondu présente à l’appel de Moulat Leyama, présidente du Forum des Mères et des Familles, pour lui prêter main forte pour l’occasion.

« On avait pu aider beaucoup de monde grâce aux chèques service de la Fondation Abbé Pierre que nous distribuions pour eux sur 3 quartiers aux personnes que nous savions dans le besoin.

Mais une fois que ça s’est arrêté, on s’est dit que nous allions continuer, nous-mêmes, à faire les choses pour aider les gens. Il faut voir la misère qu’il y a ici. Mais avec le courage on fait beaucoup de choses », explique Moulat.

Et c’est peu de le dire. Pas moins de 200 familles ont pu être aidées par l’association avec la Fondation Abbé Pierre.

L’association Forum des Mères, qui assure également des ateliers de couture pour les femmes du quartier, avait par ailleurs apporté sa contribution à la lutte contre la Covid-19, en confectionnant plus de 5 000 masques en tissu lors du premier confinement.

Il existe des systèmes d’aide alimentaire sur la ville. Les Restos du Cœur, la mairie et même les jeunes du quartier sont à pied d’œuvre pour cela. Reste que bien souvent les colis alimentaires sont « inadaptés » aux profils des familles.

« Un paquet de pâte, un paquet de pains au lait, une brique de soupe ou 2 litres de lait, un paquet de gâteau… », si toutes les initiatives ont le mérite d’exister, le colis de la mairie aux familles laisse beaucoup dubitatifs.

Les jeunes du quartier qui assurent aussi l’aide alimentaire, eux, ont compris qu’il était plus pertinent de donner des aliments de base pour permettre à chacun de cuisiner : de l’huile, du riz, de la farine, du sucre.

Moulat, elle, est cuisinière. « C’est elle qui assure les repas des baptêmes et des mariages dans le quartier. Elle s’occupe de tout, de la cuisine au service. Elle embauche nos filles et les forment même pour le service à table », confie Mme Kanté. Pour des événements jusqu’à 400 personnes.

“Moi je cuisine bien les plats africains, Moulat elle sait tout faire, africain, oriental, cuisine française…”

Alors Moulat décide que l’aide alimentaire de l’association sera cuisinée. Et en toute bonne cuisinière qu’elle est, elle part sur un plat à la fois nourrissant et avec un rapport quantité prix imbattable : un maffé.

12 repas avec 1,5 litres de sauce

Moulat sonne alors le rappel des troupes pour cuisiner. Chez elle. L’association n’ayant plus accès à la cuisine du centre social depuis longtemps.

C’est au milieu des gamelles que Moulat nous explique qu’elles ont cuisiné pour plus de 300 personnes.

« On a fait un repas pour 100 personnes pour les gens du foyer, ils vont venir récupérer les gamelles ce soir. Et pour la distribution, on a fait passer le mot dans le quartier et les personnes vont venir avec leurs récipients que nous allons remplir (40 familles sont venues et ont été servies en moyenne pour 4 personnes, ndlr).

Nous avons fait aussi des barquettes que nous allons apporter aux personnes âgées qu’on a identifiées et qui ne peuvent pas se déplacer facilement », explique Moulat, qui refuse que nous les filmions ou les prenions en photos lors de la distribution. « Par respect pour les personnes ». Et leur dignité.

Elle a testé aussi une toute nouvelle approche d’aide en fournissant des bouteilles de 1,5 litres de sauce. « C’est pratique pour les mamans », explique Mme Diarra.

« La sauce maffé est très nourrissante. Il n’y a plus qu’à faire un peu de riz et une famille de 4 personnes peut facilement faire 3 repas voire plus avec 1,5 litre de sauce ».

Une sauce préparée est ainsi un gain de temps pour faire à manger, « et en plus on peut la congeler », rajoute Mme Kanté.

En photo, la quantité de sauce utilisée pour un repas de 4 personnes.

Assise au salon en attendant les premiers habitants, l’équipe échange sur la situation du quartier d’aujourd’hui « mort à cause de la Covid », du quartier d’hier et surtout de ce qu’elle pourrait faire si on lui en donnait les moyens.

« Donnez-moi juste un local ou accès à une vraie cuisine et vous verrez ce qu’on va faire ! », professe Moulat avec ce regard plein d’énergie et de défi qui semble vous dire que nous n’avez encore rien vu.

Et on veut bien la croire. L’association regroupe plus de 60 mamans de 3 différents quartiers, et elles n’étaient que 4 pour abattre tous les préparatifs du maffé…

Si elle n’ose le dire, c’est bel et bien d’un restaurant d’insertion auquel rêve Moulat. Pour faire travailler les femmes sur place et proposer un service pour lequel elle ne manque ni d’idées, ni d’énergie, ni d’ambition.

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