L’épopée d’Ansar Arab, l’Afghan réfugié
C’est aujourd’hui la Journée mondiale des réfugiés. L’occasion de s’intéresser au parcours de certains demandeurs d’asile, comme Ansar Arab, rencontré en Savoie et dont le parcours est empreint de réussite sociale.
Il en a parcouru du chemin, pour atteindre la patrie des droits de l’homme. Le regard perçant et le sourire franc, Ansar Arab observe le jardin du Château des Comtes de Challes.
C’est ici qu’il travaille depuis cinq ans en tant qu’employé polyvalent, après un véritable parcours du combattant.
L’air pensif, Ansar joue avec le capuchon d’un stylo tandis qu’il convoque ses souvenirs.
« Je revois les kalachnikovs, que nous apprenions à nettoyer à la madrasa (ndlr, l’école en arabe) », confie le jeune Afghan. À Jalalabad, où il naît et grandit dans un climat de guerre, Ansar est vite contraint, aux côtés d’une quarantaine de jeunes tous âgés de 11 à 18 ans, à devenir un futur soldat.
« J’ai perdu mon père dans un accident de la route alors que je n’avais que 10 ans, murmure-t-il. Ma mère s’est ensuite remariée avec mon oncle paternel qui nous a emmenés au Pakistan, où il vivait. »
Officiellement gendarme, officieusement recruteur pour le djihad, le beau-père n’hésite pas à l’inscrire à l’insu de sa mère à l’école coranique pour qu’il y soit formé.
Le train de vie est pénible et ne ressemble en rien aux aspirations d’un adolescent.
« Il m’a dit qu’en France, je vivrai mieux »
« J’ai réussi à m’échapper au bout d’un an grâce à l’aide d’un oncle maternel ». Ansar part un vendredi, à l’heure de la prière.
Ce jour-là, il voit son beau-père violenter sa mère et décide de ne plus se taire. « Je l’ai assommé avec une pierre avant de m’enfuir », détaille le gaillard. Ansar comprend alors qu’il n’y aura plus de retour possible.
Son oncle s’organise avec un passeur pour l’envoyer à Paris. « Il m’a dit qu’en France, je vivrai mieux. »
À 13 ans et demi, le voilà parti pour un périple de quatre ans.
Le parcours est semé d’embûches, entre arnaques diverses et fatigue physique. Ansar passe d’abord par l’Iran, où il doit marcher la nuit et se cacher le jour.
« Pour éviter les vols, je cachais mes papiers d’identité dans la doublure de mon blouson », se remémore-t-il, un brin de malice dans les yeux.
«J’avais mal partout, mes pieds avaient enflé»
Le groupe affronte les montagnes dangereuses de la frontière turque, qui engloutissent certains de ses compagnons de route.
Le reste de la traversée se fait à pied et à vélo. « J’avais mal partout, mes pieds avaient enflé. »
Lorsqu’il arrive en Grèce, Ansar n’a plus d’argent. Il lui faut cueillir des fruits pendant un an, avant d’embarquer pour l’Italie avec un groupe de migrants dans un bateau de fortune.
Il se réjouit encore aujourd’hui du dénouement : « Les secours italiens nous ont héliportés et ramenés sur la terre ferme ».
Deux mois plus tard, Ansar arrive enfin à Paris. « Je ne savais même pas où c’était. J’ai sûrement dû faire le tour de la France en train avant d’y arriver », assure-t-il, avant de s’esclaffer.
Mais à la capitale, personne ne l’attend. Le jeune homme, perdu, reprend le train au hasard et se fait arrêter par les contrôleurs en gare de Lyon Saint Exupéry.
Recueilli par une « famille de cœur » en Isère
Il est emmené au poste de police où, après contrôle, il est déclaré mineur. Ansar ne peut être expulsé.
« Je pesais 49 kilos, j’avais besoin de récupérer », déplore le jeune homme, toujours incapable de réaliser ce qui lui est arrivé.
Il est logé seul pendant un mois dans une chambre d’hôtel, puis recueilli par une famille de la Côte Saint-André (Isère), qu’il appelle encore affectueusement sa « famille de cœur ».
Dans ce cocon protecteur, il apprend le français, aide aux travaux de la maison et obtient un CAP Maintenance des bâtiments collectifs.
Ainsi que son titre de séjour.
Après un BEP préparé en alternance au château des Comtes de Challes, la direction décide d’embaucher le réfugié en CDI comme employé polyvalent.
« J‘ai été ébahi par son parcours. Ansar a beaucoup de caractère et c’est sans doute ce qui lui a donné la force de quitter son pays. C’est un jeune homme généreux, courageux et attentionné », détaille Florian Trèves, à la tête de l’établissement.
Désormais, le jeune homme de 22 ans ne songe qu’à une chose : revoir sa mère et sa sœur restées en Afghanistan.
« Je les ai retrouvées sur Facebook et nous gardons le contact, se réjouit-il. Mais ce sera difficile de les revoir car mon beau-père menace de me tuer si je reviens. »
Un danger qui ne l’effraie plus. Véritable battant, Ansar ne baisse pas les bras et compte bien aller au bout de ses rêves.
« C’est une perle, et il surprendra tous ceux qui croiseront sa route », conclut le directeur.
Nejma Brahim
Photo de Une : Ansar Arab se sent profondément français. Il aime rappeler que lors des attentats de Charlie Hebdo, il a mis le drapeau français en filigrane sur sa photo de profil Facebook, « en respect pour le pays qui l’a accueilli ». ©Nejma Brahim
Alain curial
Ansar est un garçon sérieux gentil et je suis sur qu’il pourra retrouve cette affection maternelle qui lui manque tant avec toute mon amitié.
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