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Les ondes électromagnétiques : quels dangers avérés pour la santé ?

Alors que 79 % des Français interrogés déclarent utiliser un téléphone mobile tous les jours, quel est aujourd’hui l’état des connaissances concernant le risque potentiel représenté par leur utilisation ? Remy Slama répond à cette question dans son livre Le mal du dehors, L’influence de l’environnement sur la santé. Extrait.

Les champs électromagnétiques de très basse fréquence

Les champs électromagnétiques dont la fréquence est inférieure
à celle de la lumière visible, contrairement aux rayons ultraviolets, X, gamma, alpha… n’ont pas l’énergie suffisante pour ioniser la matière. Cette gamme « non ionisante » du spectre électromagnétique inclut notamment, en allant vers les fréquences les plus élevées : les ondes radio AM, les ondes FM et télévisées, les micro-ondes (émises par les fours à micro-ondes et les téléphones portables), et les ondes infrarouges, juste en dessous de la fréquence du rayonnement de la lumière visible.

Considérons d’abord les fréquences les plus faibles. Les champs électromagnétiques d’extrêmement basse fréquence sont générés par les lignes à haute tension servant à transporter l’électricité sur des longues distances. On parle de haute tension lorsque le courant dépasse les 50 000 volts, et on y a recours pour le transport d’électricité car à puissance égale, la perte d’énergie est plus faible quand la tension du courant est élevée.

Les études épidémiologiques ont suggéré une association entre la proximité de ces lignes et le risque de développement de leucémies de l’enfant (OMS, 2007), sans qu’un mécanisme biologique qui pourrait expliquer un tel effet ait été identifié. Le CIRC a classifié les champs électromagnétiques comme un cancérigène humain possible (niveau « 2B »). Les méta-analyses réalisées à partir des études épidémiologiques ne sont en revanche pas en faveur d’une augmentation du risque d’autres cancers de l’enfant (tels que les cancers du cerveau) ou des cancers de l’adulte.

Micro-ondes et réchauffement

Si on continue à se promener le long du spectre électromagnétique, on arrive aux micro-ondes. Ce sont elles dont on se sert pour réchauffer les molécules d’eau dans les fours à micro-ondes, eau qui compose par ailleurs la majorité de notre cerveau. Or les téléphones portables en émettent également.

Une partie des émissions du téléphone est due au microprocesseur de l’appareil et a donc lieu même si celui-ci n’est pas en communication ou se trouve en mode « avion ». Les technologies Bluetooth et wifi émettent autour de 2,4 GHz, ce qui est aussi dans la gamme des micro-ondes. La puissance des émissions est généralement plus faible pour un appareil donné que celle des communications et donc, à durée égale d’utilisation, l’énergie transmise à l’organisme absorbant l’onde sera plus faible.

Le principal mécanisme connu par lequel les rayonnements ayant la fréquence de ceux des téléphones portables actuels interagissent avec l’organisme est un réchauffement. Les effets possibles d’un tel réchauffement – dont l’intensité est bien plus faible que si on se trouvait à l’intérieur d’un four à micro-ondes – ne sont pas clairs en l’état actuel des connaissances.

Hypersensibilité aux champs électromagnétiques

Des préoccupations concernant un nouveau trouble de santé, l’hypersensibilité aux champs électromagnétiques (la terminologie en usage est celle d’intolérance idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques), ont émergé. Des études randomisées en aveugle, dites de provocation, auprès de personnes déclarant souffrir d’une telle hypersensibilité suggèrent que celle-ci n’est pas reliée à l’exposition aux champs électromagnétiques (Rubin et coll., 2011) – c’est-à-dire que, sans nier les symptômes déclarés par les personnes se déclarant hyper- sensibles, il n’y a pas d’élément fort montrant qu’elles ont des réactions physiologiques particulières en présence d’un champ électromagnétique.

En revanche, dans la gamme des radiofréquences, des études expérimentales chez l’animal indiquent des effets possibles des champs électromagnétiques sur le sommeil, la régulation thermique ou la prise alimentaire (Pelletier et coll., 2013 et 2014).

Gliomes et névromes : un niveau de preuve limité

Une préoccupation importante concerne le risque de cancer, et notamment de cancer du cerveau. Les cancers du cerveau les plus fréquents sont les gliomes malins, et ils sont considérés comme étant de développement rapide. Le CIRC indique que le niveau de preuve en faveur d’une augmentation du risque de gliome ou de névrome acoustique en lien avec l’utilisation de téléphone sans fil est limité. Postérieurement à ces conclusions, en 2018, le National Toxicology Program (NTP) américain a publié les résultats d’une longue étude dans laquelle des rats et des souris avaient été exposés à des champs électromagnétiques similaires à ceux émis par les téléphones portables actuels pendant leur vie entière, depuis la conception.

Des augmentations du risque de certaines tumeurs du cerveau (les gliomes déjà pointés du doigt par le CIRC à partir notamment des études humaines) et de tumeurs cardiaques bénignes (dits schwanommes ou neurinomes) étaient observées en lien avec l’exposition, mais uniquement chez les animaux mâles et pas chez les femelles. Il n’y avait aucun élément en faveur d’une augmentation du risque d’autres types de tumeurs dans cette étude du NTP.

Comme pour les champs électromagnétiques d’extrêmement basse fréquence, le CIRC a classifié les champs de la gamme des radiofréquences dans la catégorie 2B, « catégorie utilisée lorsqu’on considère crédible un lien de cause à effet, mais sans qu’on puisse éliminer avec une certitude raisonnable le hasard, un biais ou des facteurs de confusion ». Le niveau de preuve est considéré comme inadéquat pour les autres types de cancer que les gliomes.

Des précautions peu coûteuses, en attendant d’en savoir plus

L’utilisation de la téléphonie mobile était très rare avant les années 1990, et le type d’appareil et l’intensité d’utilisation ont beaucoup évolué depuis cette période. Pour les tumeurs cérébrales de développement lent comme le méningiome, davantage de recul temporel est donc nécessaire pour pouvoir mettre en évidence ou écarter un effet éventuel de l’exposition aux champs électromagnétiques dans la gamme des micro-ondes chez l’humain.

The ConversationDans l’attente de davantage de connaissances, des précautions ont été émises par les agences sanitaires. Celles de l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire
de l’alimentation, de l’environnement et du travail française, sont notamment de limiter l’utilisation de téléphones par les enfants, de ne pas garder son téléphone sur soi ni dormir à côté, de téléphoner en utilisant un casque filaire permettant de ne pas coller le téléphone contre sa tête, ou encore de privilégier l’achat de téléphones affichant un faible niveau d’émission (ou DAS, pour débit d’absorption spécifique).

Rémy Slama, Directeur de recherche en épidémiologie environnementale, Inserm, Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Photo de Une : ©Jon Tyson/Unsplash

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