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“L’extrême-droite veut faire taire ses opposants par voie judiciaire”

Madjid Messaoudene, élu municipal à Saint-Denis, est poursuivi en justice par Génération Identitaire pour injures publiques. Avec lui Thomas Portes, porte-parole du PCF82 et syndicaliste CGT-Cheminot. En cause : leurs tweets, dans lesquels ils y qualifient respectivement de “nazi” et “néo-nazi” ce mouvement d’extrême-droite.

Les événements remontent à fin avril 2018, des membres du groupuscule avaient pris l’initiative de lancer une opération pour “stopper les migrants” (sic) dans les Alpes, à renfort d’hélicoptère, de scotch et de buzz sur les réseaux sociaux. Opération presque burlesque s’il ne s’agissait pas de faire la police aux frontières de France.

 

L’audience se tiendra le jeudi 20 septembre. “Déterminé”, Madjid Messaoudene revient avec MeltingBook, sur les problèmes de fond que soulève ce procès.

Sarah Hamdi : À un jour du procès, regrettez-vous l’utilisation du terme “nazi” ?


Madjid Messaoudene : Non, d’ailleurs le tweet est toujours en ligne. Ces gens-là sont allés dans la montagne, en bande, tous habillés pareil, avec une propagande assez évocatrice. Il y avait un contexte précis qui justifiait, à mon sens, l’utilisation du terme “nazi” au moment où je l’ai écrit.

 

S.H. : En réaction, Génération identitaire porte plainte. Pourtant, vous n’avez pas été le seul à utiliser ce terme sur la toile. Ils ont poursuivi en justice ceux qu’ils considéraient comme étant les plus influents. Cela ressemble à une stratégie du mouvement afin d’entretenir le buzz…


M.M. : Bien sûr, c’est une façon de maintenir l’illusion que c’est un groupe influent, important,  alors que numériquement, ils ne sont pas tant que cela.

Ces membres ont déjà eu des déboires judiciaires, ils ont déjà été condamnés, notamment pour l’occupation de la mosquée de Poitiers.

Ils ont évidemment aussi, et surtout comme stratégie de faire taire les opposants par voie judiciaire. C’est ce qui le plus grave aujourd’hui.

Ce sont les militants progressistes qui se retrouvent devant les tribunaux, et non pas les militants d’extrême-droite. Ce qui est important de souligner, c’est que nous, nous allons aller devant la justice demain, mais eux, non.

Ils sont allés remplacer les gardes-frontières qui n’existent plus, dans la montagne, et ils n’ont aucune poursuite de la part de l’État, c’est quand même assez hallucinant. Donc oui, il y a une stratégie de buzz, une stratégie pour faire taire les opposants. Et à ce titre, les réquisitions du procureur m’intéressent énormément.

S.H.: Lors de leur opération en montagne, le manque de réaction de l’État a beaucoup choqué…


M.M. :  La quasi-absence de réaction des autorités m’a choqué et a choqué beaucoup de monde. Cédric Herrou (ndlr : militant français pour la défense des droits humains)  va en garde à vue pour moins que cela.

S’il était allé dans la montagne pour dire : “venez, entrez c’est par ici”, il n’aurait pas tenu 2 minutes !

Je pense que si l’État avait fait son travail, si les gendarmes étaient allés les arrêtés, dans la montagne, pour les empêcher de stopper les migrants, je n’aurai sans doute pas réagi comme cela.


M.M. :  La quasi-absence de réaction des autorités m’a choqué et a choqué beaucoup de monde. Cédric Herrou (ndlr : militant français pour la défense des droits humains)  va en garde à vue pour moins que cela.

S’il était allé dans la montagne pour dire : “venez, entrez c’est par ici”, il n’aurait pas tenu 2 minutes !

Je pense que si l’État avait fait son travail, si les gendarmes étaient allés les arrêtés, dans la montagne, pour les empêcher de stopper les migrants, je n’aurai sans doute pas réagi comme cela.

S.H. : L’absence  de réaction politique forte semble traduire la réussite d’une stratégie de dédiabolisation du FN, ces dernières années. Avec elle, une “normalisation” des idées d’extrême-droite en France, mais aussi à l’étranger, on l’a encore vu récemment avec les élections législatives en Suède. Comment en tant que citoyen, est-il possible de réagir face à la montée des populismes ?


M.M. : Effectivement, il y a une stratégie de vouloir “lisser” leur image : il n’y a plus les Rangers et les crânes rasés d’il y a 20 ans, mais il y a des costards, des chemises et la volonté de se démarquer de tout ce qui peut ressembler à l’extrême-droite violente. Mais l’ADN est le même.

Qu’est-ce qu’on peut faire ? Et bien s’engager sur le terrain, via un collectif d’association ou pas, de façon politique ou pas. Mais quoiqu’il en soit : s’engager face à l’extrême-droite.
 

Aujourd’hui l’engagement face à l’extrême-droite est insuffisant d’autant que l’extrême-droite a des leviers puissants dans certains médias, elle a des relais puissants dans certains partis politiques.

Je pense évidemment à Laurent Wauquiez (LR) qui a quasiment le même discours que Génération Identitaire. Les Français sont cernés par ces discours-là.


Prôner l’ouverture des frontières devient quasiment impossible dans les médias. Il ne faut pas rester inactif et silencieux par rapport à ce qui se passe. S’engager, c’est indispensable.

S.H. : L’adhésion aux idées d’extrême-droite semble avoir comme point d’orgue la haine de la figure du migrant. Avez-vous constaté en tant qu’élu et citoyen une évolution quant à l’image des migrants en France, ces dernières années ?


M.M. : L’image est dégradée par des médias qui présentent les migrants comme un danger pour la société et comme un terreau potentiel pour le terrorisme.

Tant que cela continue, c’est compliqué pour nous ensuite de défendre l’accueil inconditionnel de toutes et tous. Il faut continuer à prôner l’accueil de ces migrants et montrer que partout où l’accueil se fait dans de bonnes conditions, ça marche.

Les migrants ne demandent qu’une chose : c’est de vivre normalement, d’avoir de quoi rester en France de manière légale, d’avoir un boulot, d’inscrire leurs gamins à l’école.

Ils ne demandent pas plus que le droit commun.

La France a les moyens de leur fournir, sauf qu’elle refuse de le faire, en laissant les collectivités se débrouiller. Et en refusant de les accueillir, elle alimente cette haine des migrants, car au bout, ils vont rester de manière illégale, dans des conditions insupportables pour tout le monde, à commencer par eux.

Le fait de refuser d’accueillir les migrants, c’est déjà aller dans le sens du discours qui dit qu’ils représentent une menace. Donc, il y a un discours institutionnel qui, a certains endroits, épouse le discours de l’extrême-droite et de la droite. Il consiste à répéter que “nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde” et qu’il faut que les migrants retournent chez eux, alors qu’ils ont fui la misère, la guerre et les violences.

Propos recueillis par Sarah Hamdi


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Rédactrice en chef de MeltingBook, formatrice éducation aux médias, digital & dangers du web

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