Handicap : une marche pour politiser la question
Les personnes handicapés ont trois moins de chance d’avoir un emploi, selon la dernière étude de publiée par le ministère du Travail (DARES). La question du handicap est de nouveau passée sous silence lors de cette campagne présidentielle 2017.
Avec brio, « La marche citoyenne des oubliés » initiée par l’Association des Paralysés de France (APF) a brisé l’agenda électoral en faisant parler médiatiquement de leur mouvement. L’initiative qui s’adressait au départ au handicap s’est vite élargie aux droits humains.
Durant trois semaines, “la marche citoyenne des oubliés” a sillonné des villes de Nantes à Paris. L’objectif aujourd’hui? Inscrire le mouvement dans la continuité et évaluer chaque année l’état de la question du handicap en France.
« On veut faire parler des plus oubliés » lance sans équivoque Grégoire Charmois directeur de l’APF Loire-Atlantique et coordinateur de la marche citoyenne des oubliés.
Le mouvement qu’il coordonne né de l’APF a été l’objet d’une décision mûrement réfléchie. À l’automne dernier, l’association s’engage à lancer une marche citoyenne, semblable à celle pour l’égalité et contre le racisme de 1983.
Le but est très clair : se faire entendre et notamment la thématique du handicap.
L’initiative prend forme quelques mois plus tard et s’organise en une marche au départ de Nantes le 25 mars pour s’achever au Trocadéro (Paris) le 11 avril.
Près de 300 personnes y ont participé avec un noyau dur de quatre marcheurs qui ont réalisé à chaque étape du parcours 30 à 40 km par jour en handbike.
« L’idée n’était pas de faire un exploit sportif, marche politique au sens noble du terme » explique Grégoire Charmois qui évoque plus une marche « revendicative ».
La marche est donc passée, à Nantes, au Mans, à Chartres et à Paris où les participants ont rencontré des citoyens et se sont fait héberger par des associations locales lors de leur escapade.
À chaque ville une thématique était imposée. À Chartres, par exemple, il s’agissait de traiter de celle des oubliés de la santé. Les marcheurs ont pu échanger autour d’eux.
« On ne voulait pas que ce soit une marche qui ne défende que le handicap, c’est une marche de tous les oubliés des droits humains » insiste Grégoire Charmois.
Pour marquer leur arrivée à Paris, le mouvement s’était donné rendez-vous le 11 avril au Trocadéro (Paris). Plusieurs associations qui les soutiennent ont participé à l’événement (Ligue des Droits de l’Homme, SOS Racisme, ATD Quart Monde).
L’occasion de rappeler que la « marche citoyenne des oubliés » se qualifie comme un mouvement qui va au-delà du handicap et vise plus largement les droits de l’Homme.
« Il y a encore beaucoup de travail à faire sur l’exclusion des droits humains »
Interpeller et se faire entendre ne pouvaient suffire en achevant leur mouvement au Trocadéro.
Les marcheurs ont porté avec eux ce qu’ils appellent le « Manifeste », l’ensemble des revendications issues de la plateforme collaborative et inclusive « Agir ensemble 2017 » lancée par l’APF à l’occasion de la campagne des élections présidentielles.
L’APF, qui fait également partie de « l’Appel des Solidarités » initié par Nicolas Hulot, décidait d’aller à la rencontre des candidats pour leur porter leurs revendications.
L’organisation a fait le choix, avant le premier tour de rencontrer les dix candidats sur onze et a délibérément décider de ne pas rencontrer la candidate du FN :
« Nous considérons que le FN ne représente pas les valeurs que nous portons, il ne défend pas les valeurs que nous défendons dans cette marche ».
Les marcheurs ont ainsi rencontré Nicolas Dupont-Aignan et Jacques Cheminade et des représentants des autres prétendants à l’Élysée (principalement pour des problèmes d’agenda).
« On voulait que les candidats nous écoutent ensuite, c’est à eux de prendre leur responsabilité » insiste Grégoire Charmois.
Satisfait dans l’ensemble de l’accueil qui leur a été réservé, il estime que le handicap a été mieux pris en compte qu’en 2012, avec cependant une « vision trop misérabilisme du handicap, ce qu’il faut c’est les mettre comme des citoyens à part entière ». « Il y a encore beaucoup de travail à faire sur exclusion des droits humains » s’inquiète-t-il.
Un joli coup médiatique
Le mouvement a gardé ses distances et n’a donné aucune consigne de vote au second tour. « On est apolitique, on estime que chaque adhérent des associations est libre de voter. Nous n’avons jamais donné de consigne depuis que nous existons ».
Son unique souhait : « Il va falloir que prochain Président(e) prenne en compte ces personnes qui sont les oubliés de la République, notamment ceux en situation de handicap ».
La marche citoyenne des oubliés aura réussi un joli coup médiatique, faire parler d’elle et affirmer sa présence sur les réseaux sociaux.
Aujourd’hui, les organisateurs du mouvement pensent à la réalisation d’un film sur leur marche citoyenne et retourner dans les villes où ils sont passés pour montrer leur œuvre et « montrer à d’autres l’ampleur que ça a pu avoir ».
Le mouvement ne s’éteindra pas malgré la fin des élections présidentielles. Grégoire Charmois n’en a pas l’intention et estime devoir « évaluer chaque année les avancées ». Une des plus belles initiatives citoyennes de cette campagne.
Imane Youssfi
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