Apprendre à impacter son auditoire, apprivoiser son stress, manager avec calme, vendre avec empathie, ou booster son enthousiasme ? Oui mais pas avec n’importe qui. Quand on découvre toute la force, la richesse et la profondeur de vie d’un Michel Comminges, 85 ans, l’accompagnement devient un privilège. Cocktail d’expérience, de savoirs, d’humanité et d’émerveillement : rencontre du troisième type avec un terrestre extra dont le parcours force le respect et l’admiration.

Un regard à la fois pénétrant, accueillant, bienveillant et rieur. Si les yeux sont le miroir de l’âme alors tout est dit, ou presque, sur Michel Comminges. 85 ans d’expérience de vie, 60 d’expérience professionnelle, 30 ans en tant que dirigeant d’entreprise, 30 ans en tant que coach et formateur dans l’accompagnement professionnel.

Mais il est aussi, et c’est sans doute ce qui fait de lui toute sa singularité dans la profondeur de son approche humaine, à la fois élève du centre dramatique national du Val-de-Marne et occasionnellement clown. Depuis plus de 15 ans il accompagne aussi des personnes en soins palliatifs. et prodigue une écoute et un suivi de personnes endeuillées

Plusieurs vies en une. Une vie faite de vies. Des vies qui font la vie. Michel est forcément différent, tant humainement que professionnellement. Rien d’étonnant alors qu’il fasse son TedX à l’école des Mines de Nantes, en costume cravate … mais en short, tel un centaure iconoclaste. Sur un thème qui lui va finalement si bien : « L’émerveillement, un élixir de jeunesse ».

La “pénurie heureuse”

Son premier souvenir date d’une époque dont il est un des plus en plus rares témoins. La Guerre Mondiale. 39-45. Paris sous l’occupation. « Je n’en garde que les bons souvenirs d’un môme de 5 à 9 ans, avec des copains, pas grand-chose à bouffer, mais que de l’amour et de la solidarité autour », confie-t-il pudiquement.

Une période de « pénurie heureuse », malgré son père prisonnier en Allemagne. Michel est fils unique. Alors on imagine aisément son « bonheur immense » au retour de papa, après 4 ans de détention…

« Depuis l’âge de 10 ans avec nos potes on passait notre temps à regarder aux jumelles les avions qui passaient dans le ciel. On notait sur des cahiers les avions qu’on avait vus ». Ces rêves de gosses il les réalisera plus tard en entrant à l’Ecole Supérieure des Techniques Aéronautiques. Il devient ingénieur aux essais en vol.

Mais son intérêt, quasi charnel, pour les avions s’étiole quand on l’en tient trop éloigné. « Quand j’étais ingénieur aux essais en vol c’était sympa, parce que j’étais en contact avec les avions et les pilotes, mais quand tu te retrouves en bureau d’étude en train de dessiner un train d’atterrissage ça n’est plus très drôle. »

De 15 à 60 salariés

Loin de tout ça, Michel se morfond. Alors il décide de tout plaquer pour reprendre la papèterie familiale. «J’ai eu l’opportunité de la transformer complètement », explique-t-il. « Je l’ai reprise par goût, parce que je voulais être libre».

Non sans peine au départ. Nous sommes en 1965 et pendant 5 ans le business ronronne, tant bien que mal.  « On avait des entrepôts et on avait une intervention logistique au niveau des rayons dans les supermarchés. On livrait de la papeterie. On avait l’impression d’être papetier alors qu’en fait le cœur de notre métier c’était la logistique ».

Et puis l’essor des supermarchés propulse l’entreprise à la faveur d’un pari audacieux pour changer d’échelle. « Le basculement était d’avoir les couilles de prendre un entrepôt énorme (10 000 m2) et de tout informatiser. Le premier pas difficile a été de passer de petites machines à facturer à un IBM 34, qui venait de sortir à l’époque ».

Un pari dont le risque était plus RH que financier. « Le risque était que les équipes ne suivent pas. Il a fallu convaincre, il a fallu les faire avancer. A l’époque nous étions une équipe de 15 personnes ». Une équipe qui ne tardera pas à monter à 60. L’entreprise est florissante. Sous le regard aimant d’un père malheureusement parti beaucoup trop tôt.

La douloureuse mort du père

« Mon père était quelqu’un d’adorable, il était tout amour », confie Michel, le regard voilé de souvenirs intérieurs. « Il est mort très jeune de la maladie de Charcot (maladie détruisant la moelle épinière, ndlr). Il est parti en 6 mois ». Nous sommes en 1973. L’impact sur Michel est « dramatique ».

« Je n’ai pas pu prononcer le mot ‘père’ pendant 3 ans ». Car tout le ramenait douloureusement à cet homme qu’il avait accompagné jusqu’au bout. « Durant sa maladie, je le voyais tous les jours. C’était horrible … horrible ».

Une épreuve qui a commencé dès l’annonce de la sentence médicale prononcée sans trop de ménagement par les médecins : « c’est foutu, il en a pour 6 mois ! ».

C’est cet amour, plein de reconnaissance, qui a été un des grands déclics de Michel dans son parcours initiatique de communiquant humaniste, car il aura su faire tomber le mur d’un autocentrisme qui, fut un temps, l’avait caractérisé.

De la période “petit con” à la révélation Dale Carnegie

« De 1960 à 70, je dis souvent que c’était ma phase ‘petit con’. J’avais beaucoup d’argent, je n’étais pas très fidèle…  J’avais tendance à ne pas écouter les autres ». Grisé sans doute par une vie dorée, il entendait goûter à tous ses plaisirs avec un rapport à l’altérité réduit à la portion congrue.

C’est alors qu’il découvre la philosophie des entraînements Dale Carnegie, considéré comme l’un des pères des relations humaines. Au départ, il souhaitait juste suivre les cours du centre de formation pour des besoins managériaux.

« Quand on me demandait dans les premiers tours de table pourquoi j’étais là, je répondais : ‘pour apprendre à parler pour ne rien dire’ ». Un cynisme assumé qu’il ne tardera pas à dépasser pour s’ouvrir à lui-même et aux autres.

« Il a fallu deux mois pour que je me mette à nu face à un auditoire. C’est là que la carapace est tombée et que je me suis aperçu qu’elle ne servait à rien. Un jour, il y a eu un concours d’orateurs, se souvient-il, et j’ai su évoquer mon père.

J’ai gagné le prix. Quand j’ai l’ai montré à mon père, juste avant sa maladie, je lui ai dit que ‘ j’avais gagné ce prix, un joli stylo, parce que j’ai réussi à dire que tu étais un mec formidable ! ‘ C’est ce jour-là que je me suis aperçu que la communication c’était quelque chose… ».

Une révélation. Tant et si bien que de participant, il devient formateur, multi certifié, chez Dale Carnegie et y animera bénévolement et avec enthousiasme, des groupes de 50 personnes pendant plus de 20 ans : relations publiques, management et vente. Et ce, parallèlement à ses activités professionnelles où Michel se voit confier de nouvelles responsabilités.

Président d’un groupe de 600 salariés

Il devient, en 1975, président du groupe Cedeo France qui regroupe 7 PME de la papèterie. Un groupe qui emploie quelque 600 personnes au total. « Mon rôle était de guider la politique de développement, et d’assurer les négociations avec des centrales d’achat d’hypermarchés. C’était une lourde responsabilité. »

« Un bon tiers de mon rôle consistait à soutenir les dirigeants des 6 autres boîtes du groupe. Il s’agissait d’échanger avec eux, de les écouter, de les questionner pour les ramener dans le calme, parfois, et leur permettre de découvrir d’autres idées, d’autres solutions, d’autres approches ».

Un accompagnement professionnel lié « à des problématiques d’investissements trop rapides, des impatiences, des problèmes de personnels », explique Michel.

Après la pluie, le beau temps, et après le beau temps la pluie. 1990, coup de théâtre professionnel : les hypermarchés décident de changer complètement leur politique d’approvisionnement. Une nouvelle qui sonne la mort de l’activité pour les entreprises du groupe.

« J’ai dû abandonner ma boîte. Je me suis retrouvé un peu à poil. Il a fallu que je vende à un groupe anglais (qui a d’ailleurs racheté pratiquement toutes les entreprises dont j’avais la présidence).

Mais j’ai limité la casse en faisant en sorte qu’il garde tout le personnel. La vraie difficulté a été, quand j’ai réuni mes 60 salariés, de leur dire que je les laissais avec un autre patron. Ça a été difficile».

Devoir vendre sa boîte et rebondir

Loin de sombrer corps et âme dans une sinistrose qu’on lui aurait volontiers pardonnée, Michel a « tout de suite créé quelque chose derrière. Ça a été dur mais je n’étais pas désemparé. J’avais deux solutions. Soit je réutilisais les savoirs de mon diplôme d’ingénieur, soit je me lançais dans ce que j’adorais faire en termes d’animation». 

Alors il lance son propre cabinet d’accompagnement professionnel : MC développement. Il capitalise ainsi sur l’ensemble de son parcours pour œuvrer, avec sa propre touche, dans la droite lignée de la philosophie Dale Carnegie.

A savoir que « toute transformation réelle vient de l’intérieur » et que « le changement émotionnel est tout aussi important que le changement de comportement », comme on peut le lire sur le site du célèbre centre de formation. Le slogan de MC développement, « La composante humaine de la performance », prend alors tout son sens.

Rien d’étonnant de voir Michel proposer des accompagnements professionnels tels que Calmaction à destination des managers en cette période de pandémie Covid. Il s’agit d’installer le calme face à l’incertitude pour mieux mobiliser ses ressources intérieures dans l’action.

Dale Carnegie mais pas que. Car Michel s’est aussi formé du côté des neurosciences, avec le docteur Fradin président de l’institut de médecine environnementale (Approche Neurocognitive et Comportementale), en matière de gestion du stress et des apprentissages pour adulte.

« Le calme est un préalable indispensable à toute réflexion et à toute action, sinon on ne cherche que des solutions éprouvées, nous sommes là sur notre cerveau automatique. Et quand tu es face à l’incertitude et à la nouveauté c’est comme être dans une bibliothèque où il n’y a pas le livre que tu cherches. Tu tournes en rond et tu t’énerves.

Le calme te permet de passer sur le cerveau préfrontal propice à voir et à considérer les choses avec plus de recul et explorer le champ des possibles. Je pratique la bascule des modes mentaux qui amène au calme », précise Michel.

Bénévole en soins palliatifs pour faire le plein d’humanité

La science, la technique, l’expérience, mais avant tout l’humain. Car sa vie n’est que voyages en humanité.

L’humanité des rencontres amoureuses qui ont jalonné sa vie, l’humanité de sa famille et de ses êtres chers disparus. L’humanité de la vie. Il reste assez discret dessus, mais depuis plus de 15 ans il accompagne bénévolement les personnes en fin de vie et prodigue une écoute et un suivi aux personnes endeuillées. Une prise en charge de la fragilité qui le ramène une fois de plus au cœur de l’essentiel et force à une naturelle humilité.

Une activité morbide ? Tout au contraire. « Je disais souvent quand j’allais aux soins palliatifs que ‘j’allais faire mon plein d’humanité’. Les soins palliatifs c’est accompagner la vie, et non accompagner la mort. Quand tu sors un lit dans le jardin avec quelqu’un au seuil de la mort qui s’extasie de voir les feuilles bouger, il n’y a rien de plus vivant…

Une fois j’étais avec un homme qui était dans une souffrance extrême. Je lui donnais à manger, assis sur le radiateur. Le mec me dit : « mais vous devez être mal assis… alors qu’il était en train de mourir ! Pour moi c’est le summum de la relation. L’attention à l’autre ! »

Ce type d’activité appelle à adopter une posture fondamentale d’écoute et d’accompagnement. En soins palliatifs, les médecins disent : « répondez aux questions des gens mais n’allez pas plus vite qu’eux ». « Les gens qui vont mourir sont sur un chemin que tu n’as jamais parcouru, qu’ils ne connaissent pas et que tu ne connais pas non plus, donc tu ne peux que marcher à côté. »

“L’écoute de gens en position de fragilité est contre intuitive”

Michel Comminges

Ces fondamentaux Michel les transpose aussi dans ses coachings et activités professionnels. « Il est important de ne rien donner sans avoir écouté la personne avant pour savoir si tu es pertinent dans ton action.

L’écoute de gens en position de fragilité est contre intuitive. Parce qu’on veut rassurer les personnes alors qu’elles veulent être comprises. Et c’est vraiment une trahison de penser à leur place. ‘Avant de donner, regarde si la main est prête à recevoir’.

Quelqu’un qui est vraiment dans la merde, mes premiers mots ne seront pas : « Courage vous allez vous en sortir ! », mais plutôt : « où en es-tu ? », explique-t-il.

« J’ai des outils de management, de vente et de prise de parole en public costauds, mais un outil performant dans une main qui tremble c’est un massacre ! Donc le préalable est d’amener la personne à ne plus trembler avant de lui donner un outil. Si la personne est en état d’infériorité, elle va pseudo vérifier qu’elle n’est bonne à rien. »

On est bien loin ici du « coach casseur d’assiettes », avec des discours motivationnels et une énergie qui se veut communicative. Pour Michel, il s’agit de savoir où en est la personne et d’avancer ensemble avec elle. Calmer, analyser et après, seulement après, proposer.

« Ce n’est pas parce que c’est sérieux que c’est grave ». Cette phrase que Michel a coutume de dire témoigne d’un autre de ses grands traits de caractère. Le rire et l’humour. « En dehors de l’amour il n’y a pas grand-chose. L’amour et la rigolade. La vie quoi ! ». Et pour lui, un grand éclat de rire en est la vibrante incarnation.

Etrange mélange que ce Yoda goguenard qui par ailleurs est fait du théâtre (7 ans de formation au Centre Dramatique National d’Ivry sur Seine) et même du clown. Clown gestalt.

« Le clown gestalt c’est un transfert d’émotion avec la salle. Tu te mets en danger. Tu trouves un chemin qui n’est pas écrit, qui n’est pas balisé ». Sans filet, en interaction et en prise directe avec les personnes.

Ce qui lui plait c’est « le plaisir de faire avancer un groupe. C’est comme quand tu es patron d’une PME, que tu as 60 personnes dans ton équipe ; c’est merveilleux d’arriver à faire avancer tout le monde en même temps ».

Michel aime le présentiel. Et ce goût de l’animation, il reconnait qu’il le perd un peu quand il fait ses réunions ZOOM, Covid oblige, avec certains de ses clients.

Il reste conscient que le contexte sanitaire actuel plonge beaucoup d’entreprises dans une situation catastrophique et ne peut s’empêcher de penser à toutes ces PME et leurs dirigeants qui doivent faire face à d’insondables difficultés, au stress économique, ou qui jouent tout simplement leur survie, quand il n’est déjà pas trop tard.

« La grande différence entre un patron du CAC 40 et un patron de PME c’est que le patron de PME a tout son avoir dans la boîte. Si la boîte tombe il est mort. Il n’a aucun parachute doré, contrairement à d’autres qui partent avec, même s’ils ont fait des bilans négatifs.

Quand tu es patron de PME et que tu as de l’argent, tu le laisses dans la boîte pour alimenter le fonds de roulement. Il n’y a pas un patron de PME, s’il croit dans sa boîte, qui n’y a pas sa fortune. C’est le contraire de Pfizer qui le jour où le cours de l’action monte vend tout. Jamais un patron de PME ne ferait ça ! »

Le monde de l’entreprise Michel le connait, et de l’intérieur, de manière intime, avec ses enjeux économiques et humains, avec ses responsabilités, à différents niveaux de management, et la nécessité d’avancer ou de faire face, de trouver des solutions, de prendre des décisions.

Des outils efficaces d’accompagnement il en a, beaucoup, tout comme une longue expérience de la vie et des hommes. Une hybridation singulière pour cet octogénaire authentique et profond qui fait de lui un professeur et un coach rare et précieux. Un sage qui garde la sagesse de ne pas trop l’être. Un sage nourrit au temps de l’Humanité.

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