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Ce n’est pas une révolution mais une révolte

La presse internationale titre, après ce 23 avril, « the new french révolution ».

L’histoire nous dit que lorsque Louis XVI entendit pour la première fois les bruits du peuple en 1789, s’inquiéta « est-ce une révolte ». Un courtisan répondit alors « non, Sire, c’est une révolution ».

Mais qu’en est-il vraiment, au-delà du raccourci entendu et facile ?

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©MeltingBook

Ce 23 avril, la France a fait le choix de porter eu second tour deux candidats totalement atypiques : Emmanuel Macron et Marine Le Pen. 23,86% et 21,43% respectivement des voix exprimées.

Le premier est l’ancien ministre de l’économie de François Hollande, 39 ans, grandi à l’ombre des milieux d’affaires et sans aucun mandat électif, surdiplômé passé par la Banque d’affaires, l’Élysée et Bercy.

La seconde est la fille du fondateur de son parti, députée européenne.

Ni, Ni, Non

À eux deux, ils sont mis à terre les deux partis, le PS et la droite gaullienne, qui se sont partagés depuis le début de la Cinquième République, en 1958.

En effet, François Fillon, le parti de la droite républicaine, est troisième avec 19,9 % des voix.

Jean-Luc Mélenchon, le candidat de La France insoumise obtient 19,6 % des suffrages, largement devant Benoît Hamon, du Partis socialiste encore au pouvoir, obtient 6,3 % des voix.

La France se réveille donc divisée en deux. Emmanuel Macron a remporté plus de suffrages dans les grandes et moyennes villes, chez les cadres et les plus diplômés.

Sources : Kantar Sofres et d’autres sources.

Ceux qui voient dans la mondialisation ou sa version plus restreinte, l’Europe, une chance ou une réalité indépassable. Ceux qu’Emmanuel Macron appellent « les bienveillants et les optimistes ».

Marine Le Pen gagne dans les petites villes, les villages. C’est la France des moins diplômés, qui ont plus peur de la mondialisation, avec des revenus plus faibles aussi.

Si Marine Le Pen se déclare être la candidate du « Peuple », Emmanuel Macron se veut celui du « Patriotisme ».

Même au plan des relations internationales, ces deux finalistes dessinent deux camps.

En effet, Donald Trump avait fait l’éloge de Marine Le Pen en estimant qu’ “elle est la plus ferme sur les frontières et la plus ferme sur ce qui se passe en France.”

Ce commentaire était intervenu au lendemain du coup de fil passé par Barack Obama à Emmanuel Macron.

En Russie justement, jusque tard dans la soirée électorale, les médias russes ont étrangement placé Marine Le Pen en tête du premier tour de l’élection présidentielle française, devant Emmanuel Macron.

Aux urnes, citoyens ?

Dès la connaissance des résultats, plusieurs cadres du parti ont d’ores et déjà annoncé que s’ils appelleraient à voter Macron pour faire barrage au Front national, la prochaine étape se déroulerait aux législatives.

François Hollande, présenté par le Front national comme le père spirituel d’Emmanuel Macron, a téléphoné à son ancien ministre pour le féliciter à 20H15.

Le président ne devrait cependant pas s’exprimer dimanche soir, mais l’Élysée annonce qu’il prendra la parole dans la semaine.

Il appellera à voter contre l’extrême droite, croient savoir des sources proches du chef de l’Etat.

François Fillon comme Benoît Hamon ont appelé à faire barrage à l’extrême droite.

François Fillon a ainsi alerté :

 « qu’un parti extrémiste s’approche du pouvoir. Le FN est connu pour sa violence et son intolérance, son programme mènerait notre pays à la faillite, à au chaos européen. L’extrémisme ne peut qu’apporter malheurs et divisions à la France. Il n’y a pas d’autre choix que de voter contre l’extrême-droite. Je voterai pour Emmanuel Macron ».

Benoît Hamon a quant à lui appeler « à battre l’extrême-droite en votant pour Emmanuel Macron. Même si celui-ci n’appartient pas à la gauche et n’a pas vocation à la représenter demain, je fais une distinction totale entre un adversaire politique et une ennemie de la République ».

Du côté Mélenchon, le ton est autre.

Les militants, groggy, font vite entendre un son de refus total. « J’envisage de voter blanc » indique à Meltingbook Gabriel, 21 ans, membre de l’équipe de campagne.

La soirée électorale fut rude en effet pour ces militants qui ont espéré jusqu’à tard dans la soirée que les résultats, serrés, donneraient finalement, Jean-Luc Mélenchon qualifié au second tour.

Mais ce dernier n’a donné aucune consigne de vote lors de la soirée, dénonçant les deux finalistes comme membres de « l’oligarchie ».

Déjà Twitter bruisse d’un mot d’ordre, « le 7 mai sans moi », le refus de rejouer l’élection présidentielle de 2002, où Jean-Marie Le Pen avait été qualifié au second tour.

L’appel à faire barrage au FN avait permis à Jacques Chirac de gagner avec un score de République bananière.

Construire une majorité, mais avec qui ?

Le candidat d’En marche ! a évoqué tout de suite la campagne des législatives des 11 et 18 juin prochain.

« Je veux construire dès à présent une majorité (…), elle sera faite de nouveaux visages, de nouveaux talents », a-t-il assuré dans sa courte allocution.

Il a également fait un appel implicite aux élus de droite et de gauche, estimant qu’ils devaient désormais prendre leur « part du risque ».

Emmanuel Macron semble confiant estimant sans doute qu’une victoire présidentielle entraînerait mécaniquement celle d’une victoire aux législatives.

Pour Marine Le Pen, le plus dur est à faire. « Je lance un appel à tous les patriotes, d’où qu’ils viennent », a lancé la candidate d’extrême droite après l’annonce des résultats.

 

Mais à quels électeurs va-t-elle faire appel ?

Aux électeurs tout à la fois  libéraux et conservateurs de François Fillon ? Aux électeurs antilibéraux de la France insoumise ?

La plasticité idéologique mouvante du FN, qui avait fait sa force et son insaisissabilité, devra donc être cristallisée enfin. Mais « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment », plus que jamais la maxime du Cardinal de Retz est de rigueur.

Si elle a perdu l’élection présidentielle, la droite pense pouvoir remporter les prochaines élections législatives de juin.

Notamment parce qu’elle juge que François Fillon est seul responsable de la défaite, mais que les idées de la droite sont majoritaires dans le pays.

LR espère une majorité qui puisse faire contrepoids à Emmanuel Macron. Voire à créer la surprise avec une cohabitation dès le début

Du côté de la Gauche insoumise, on espère retrouver la dynamique de la campagne pour Jean-Luc Mélenchon dans celle pour les législatives.

La question du devenir du vivier de militants de La France insoumise est cruciale. Sur la plateforme JLM2017, ils sont plus de 450 000 à avoir appuyé la candidature de Jean-Luc Mélenchon.

Le leader de la France insoumise s’est refusé à donner une consigne de vote pour le second tour, expliquant que les personnes qui l’ont investi seraient « appelées à se prononcer », dessinant ainsi une volonté le premier parti de Gauche en France.

Sur les cendres du parti socialiste. Il va notamment falloir trouver un accord avec le PCF. Le score de Mélenchon, quoi qu’il en soit, semble un socle solide pour reconstruire la gauche.

Car au PS, déjà marqué par de très nombreuses défections au profit d’Emmanuel Macron, la campagne des législatives s’annonce encore plus compliquée. Le parti fondé par François Mitterrand sur les cendres de la SFIO survivra-t-il à une telle bérézina électorale ?

Déjà certains appellent à une « recomposition de la gauche », mais toute la question de savoir est avec qui ? Entre défections vers le camp macroniste et rancœurs mal digérées.

La recomposition du paysage politique français

Pour beaucoup, le « ni gauche, ni droite » d’Emmanuel  Macron réussit ce que François Bayrou et Michel Rocard ont tenté durant des années.

Créer une force politique de centre-droit et centre-gauche, avec pour principe directeur que la France est un pays qui se gouverne au centre.

Car sortir du cadre d’opposition droite-gauche a ouvert un large espace au centre. Cette position deviendra-t-il l’axe-pivot, voire le point nodal du paysage politique français ?

Le clivage gauche-droite qui a structuré la vie politique française a explosé, c’est la première leçon de cette élection. Mais par quoi a-t-il été remplacé ?

Par l’incertitude diront les plus pessimistes, par le renouveau diront les autres.

Quoi qu’il en soit, les marchés financiers eux, n’ont plus aucune incertitude et applaudissent à leur manière cette première place d’Emmanuel Macron : l’euro a rebondit aussitôt.

Demeure le constat que les politiques ne semblent pas entendre, malgré le mouvement des plaques tectoniques qui ont dangereusement bougé ce 23 avril.

Les mêmes réflexes politiques, les mêmes calculs et courtes vues, à l’horizon indépassable des seules législatives ont fait entendre leur tempo monocorde et hermétique.

La France n’a pas exprimé une révolution, mais une révolte. Faudra-t-il le grand tremblement de terre pour qu’on l’entende enfin ?

Hassina Mechaï

À LIRE AUSSI : NOTRE DOSSIER SUR LA PRÉSIDENTIELLE 2017.

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