La qualification islamique de Daech, un faux débat ?
Après les propos de Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, sur la notion même “d’État islamique”, Pascal Bruckner a promptement réagi. Pour le romancier, Daesh “est un des visages de l’islam.” Réponse d’Asif Arif, avocat, dans ce contre-argumentaire.
La séquence médiatique est à couper le souffle. Alors que le porte-parole du Gouvernement, Monsieur Castaner affirme qu’il faut arrêter d’employer une terminologie liée à l’islam quand on parle de Daech, Pascal Bruckner lui répond de suite sur Le Figaro Vox, indiquant que Daech est bien un État islamique.
Argument n°1 : Les gens qui tuent le font au nom d’Allah
Pascal Bruckner affirme qu’il s’agit bien d’un État islamique puisque « ceux qui veulent nous tuer et qui le font comme à Londres ‘au nom d’Allah’. Personne aujourd’hui ne tue au nom de Jésus, Vishnou ou Moïse. » Une telle ineptie reflète tout l’argumentaire fallacieux de Bruckner sur les questions concernant l’islam.
Il y a d’abord une distinction entre le faire au nom d’Allah et accomplir ce qu’Allah a enjoint. L’islam consiste à accomplir ce que Dieu a établi dans le Coran de manière ferme et définitive. Toutefois, lorsqu’on commet un acte au nom de quelqu’un, cela ne veut pas pour autant dire que l’on a accompli ce qu’il a demandé.
Je ne crois que Bruckner ait besoin qu’on lui fasse une leçon sur la question de l’usurpation d’identité.
La seconde partie de son argumentation est toute aussi fallacieuse.
Si les gens commettent les attentats au nom d’« Allah » comme il l’affirme si bien, il convient de préciser que ce terme est général et vise Dieu. D’ailleurs, dans le Coran, le Dieu de Jésus et le Dieu de Moïse est également nommé Allah.
Il s’agit en conséquence d’un argument dysfonctionnel puisqu’il ne convient ni des subtilités de la langue arabe, ni de l’art de distinction propre à un intellectuel français.
“Cessons de parler d’Etat Islamique, ils trahissent la religion qu’ils prétendent servir, ce sont juste des assassins” @CCastaner #E1Matin pic.twitter.com/EVdkmgSZQn
— Europe 1 (@Europe1) 5 juin 2017
Argument n°2 : S’appuyer sur l’islamophobie et sur d’autres penseurs
Pascal Bruckner s’appuie sur les dires d’un dénommé Suleiman Mourad qui insiste sur le fait que le Coran contient plusieurs choses concernant le djihad armé, sur la question des femmes ou encore sur la question des punitions.
Encore une fois, il convient de distinguer l’islam, de ceux qui pratiquent l’islam.
Concernant le Djihâd, le Coran est très clair et on ne voit pas bien où est la problématique liée à celui-ci. En effet, il est disposé que la Guerre Sainte est permise quand des musulmans sont chassés de leur habitation pour avoir proclamé que Dieu est Unique.
Si des radicaux saoudiens ou afghans ont décidé de faire de l’étendard du djihad un moyen de domination politique, où est la faute de l’islam dans tout cela ?
Sans parler des derniers développements sur l’islamophobie qui sont hors sujet. Si l’islam avait acquis une brevetabilité, on aurait muselé Patrick Bruckner ou le printemps républicain depuis longtemps.
La critique est possible, l’appel à la haine contre les musulmans l’est beaucoup moins !
Il faut revenir sur ce que le porte-parole a dit et éviter la prose de comptoir autour de celui-ci. Il retient en effet que l’oppression des minorités, l’assassinat aveugle des opposants sont les signes d’un régime totalitaire, sans commun rapport avec l’islam.
En revanche, Pascal Bruckner donne une consistance idéologique à Daech en leur offrant le Coran pour source.
Or, ce même Coran est la source fondamentale de plusieurs millions de musulmans à travers le monde et il semble tout à fait exclu pour ces derniers d’envisager une quelconque violence dans la pratique de leur culte.
Prenons déjà ceux qui vivent en France.
Conclusion : La qualification de Daech est une question vitale
La qualification de Daech est une question vitale. Elle dépend toutefois de plusieurs paramètres que Monsieur Bruckner ne prend ni le temps ni l’énergie de détailler.
D’abord, elle dépend du paysage musulman français et de sa capacité à organiser une réponse collective et unie face à Daech et son affiliation forcée à la religion musulmane.
Il faut en effet appeler Monsieur Bruckner à lire la réponse de plusieurs centaines de théologiens à Daech qui vise à le disqualifier de son aura islamique. Il faut également savoir que Daech ne se nourrit pas seulement d’un fond de réserve idéologique, mais également de plusieurs autres paramètres sur lesquels Monsieur Bruckner est demeuré silencieux.
Ces deux éléments sont l’armement et le financement.
Si apparemment le Qatar a été mis au banc par certains pays arabes, il ne faut pas oublier qu’un des alliés de la France – et promoteur idéologique de Daech – l’Arabie Saoudite a acheté pour plusieurs milliards des armes aux Américains. Quid de la qualification de cet acte politique ?
Asif Arif
Asif Arif, Avocat au Barreau de Paris, auteur spécialisé sur les questions d’islam et de laïcité. Dernier ouvrage : France, Belgique : la diagonale terroriste (Boîte à Pandore, 2016).
Poupougnette
Je suis d’accord avec l’article.
Et je ne comprends pas que l’on puisse résonner autrement.
Si une personne dit je suis musulman, ou patriote ou autre, tandis que l’on estime qu’elle ne l’est pas on peut la contredire. Ou le contraire la valider si on d’accord.
L’Etat islamique n’est pas un Etat. Personne ne vote pour ces gens.
Personne n’aurait l’idée aujourd’hui de valider les guerres saintes sous commandement du pape. Ou l’armée du seigneur de Joseph Kony. Pourquoi donc ce désir chez certains de vouloir le faire s’agissant de musulmans. Tous ces individus ne sont de justes et nobles combattants que si on les valide. Une idéologie quelle qu’elle soit n’est valable que si on adhère soi meme ou si on la valide pour d’autres.
Perso je ne valide pas. Mais à chacun ces arguments.
Pour moi valider les belliqueux d’aujourd’hui c’est aussi valider ceux de hier. C’est valider les horreurs et atrocités de l’Histoire.
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Poupougnette
Pardon. ….raisonner…
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