Rafaël Tyszblat : “Toutes les identités peuvent s’affirmer”
Un infatigable du dialogue interreligieux. Rafaël Tyszblat est un faiseur de paix. A 35 ans, ce spécialiste de la médiation rapproche juifs et musulmans à travers le dialogue.
Il en est persuadé. La médiation est un outil efficient pour la résolution des conflits. Et il le dit, toutes les identités peuvent s’affirmer. A condition de dépasser les débats destructeurs qui les montent les unes contre les autres.
A contre-courant des idées reçues
Rafaël Tyszblat est un professionnel de la médiation. Son terrain? Le dialogue intercuturel. Avec deux masters dont un à Sciences-Po Paris, Rafaël Tyszblat connait bien son sujet. Et pour répandre « la bonne parole », il n’hésite pas à multiplier les bonnes actions. Le jeune homme porte au bas mot, « trois casquettes ».
Convaincu que la médiation est l’une des clés de résolution des conflits, notamment entre les individus et les groupes, il travaille pour Soliya, une ONG américaine. « Le but consiste à mettre en lien, par vidéo, des jeunes basés en occident et dans le monde arabe », résume t-il.
Depuis la France, Rafaël Tyszblat joue « le rôle de facilitateur, de formateur de facilitateurs mais aussi de concepteur de programmes ». Une fonction taillée pour le trentenaire tant il croit aux vertus de l’échange et du dialogue.
Autre casquette, co-fondateur de l’Institut EuroMédiation, une ONG qui oeuvre à la résolution des conflits que ce soit à l’école, en entreprise ou dans les communautés.
« Nous intervenons au niveau des personnes ou des groupes. » Cette ONG s’appuie sur un réseau créé il y a 15 ans. Avec cette association, nous avons formalisé le réseau déjà existant en quelque sorte », ajoute t-il.
Le dialogue sur le terrain
Mais les vertus de la médiation, Rafaël Tyszblat veut aussi les mettre au service d’une cause qui lui tient à coeur. Depuis 2012, il fait partie de la « Muslim-Jewish conference ».
Créé par un jeune étudiant viennois, Ilja Sichrovsky en 2010, ce cycle de conférences rassemble chaque année, des leaders des communautés musulmanes et juives avec comme ambition d’apaiser les relations entre eux à travers le dialogue interculturel.
Parmi les thèmes abordés, la question de l’islamophobie, de l’antisémitisme, le rôle des medias, le rapport à la religion ou la relation des minorités avec les groupes dominants.
L’an dernier, la conférence, s’est déroulée à Berlin en août. Au total, une centaine de participants seront invités à apporter leurs éclairages et partager leurs expériences de ces questions. « C’est une organisation de jeunes très terrain.
Notre ambition est de faire venir des personnes en mesure de faire rayonner cet événement dans leurs réseaux ». Et donc d’impulser le changement. « Croyants, pratiquants, athées, la conférence veut fédérer les tenants de l’interreligieux », précise t-il.
Agir à l’échelle européenne dans l’espoir d’agir à l’échelle française. « Nous cherchons des soutiens des pouvoirs publics ». Mais la réalité est plus complexe, faut il comprendre.
« Après Charlie, il y a eu un sursaut avec un nombre important de personnes qui ont voulu mener des actions positives », constate t-il.
Mais l’élan est fragile. D’autant que les associations dédiées, notamment, aux dialogues interreligieux peinent à subsister. « Je pense qu’il y a un manque d’ambitions mais aussi une difficulté à professionnaliser les structures », analyse t-il.
Autre moyen de valoriser la question du dialogue, s’appuyer sur les medias. « Pour l’instant, la presse s’empare très peu de ces questions », note t-il. S’il ne conteste pas le goût des medias pour les affrontements et la violence, il invite les consommateurs de presse à se remettre en question.
« La presse répond malheureusement à une demande. Aux citoyens de montrer que les clashs ne les intéressent plus », propose t-il.
Parmi l’un des outils qu’il utilise, « la media literacy dont le but est d’apprendre à nos publics de saisir le biais journalistique dans la couverture de l’actualité ».
Un travail de médiation comme Rafaël Tyszblat sait si bien le faire. « Notre rôle est aussi de responsabiliser les citoyens face à leur consommation de medias. » Tout un programme.
Nadia Henni-Moulaï