Trump & Jérusalem : L’injustice de trop infligée aux Palestiniens
La reconnaissance unilatérale des États-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël constitue l’injustice de trop infligée aux Palestiniens. Elle bouleverse le climat psychologique international dans l’approche du conflit israélo-palestinien.
La décision du président Donald Trump prise le 6 décembre 2017, au mépris des résolutions constantes de l’ONU, en l’absence de toute solution, passera en effet dans l’histoire comme une marque d’infamie des pays occidentaux. La fin de leur rôle prescripteur sur le plan moral. Une souillure indélébile.
Le point de basculement du conflit palestinien sur de bases nouvelles se cristallisant autour du noyau dur de la contestation de l’ordre hégémonique israélo-américain dans la zone. L’ultime geste de puissance d’un empire américain, autiste, insensible aux grondements du Monde, au terme de son apogée.
La concrétisation de cette promesse de campagne de Donald Trump répondait à un double objectif : donner satisfaction à son électorat christiano-sioniste en vue de le ressouder dans la perspective des élections à mi mandat de 2018 et faire diversion sur l’affaire coréenne dans l’attente d’une percée diplomatique que le président américain espère de la part de ses deux partenaires rivaux la Chine et la Russie.
Donald Trump et Benyamin Netanyahou sont tous deux empêtrés dans des affaires judiciaires qui limitent leur marge de manœuvre.
L’Américain avec l’affaire russe, l’israélien pour des affaires ayant trait à de l’argent illicite. Les deux ont pensé se dégager de cette pression médiatique et judiciaire par une fuite en avant et tirer avantage de ce succès diplomatique pour obtenir un répit.
Mais au delà de ces considérations politiciennes, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël paraît devoir disqualifier les Etats-Unis de leur rôle d’honnête courtier, exacerbant la méfiance des peuples arabes et musulmans à l’égard de toute initiative occidentale.
A noter toutefois que le sommet islamique qui doit se tenir pour envisager la réplique du Monde musulman à la caution américaine à l’annexion par Israël de la quasi-totalité de la Palestine est venue de la Turquie, unique pays musulman membre de l’OTAN et partenaire stratégique d’Israël.
De la Turquie et non de l’Arabie saoudite, le gardien des lieux saints de l’Islam et chef de file du monde musulman ; Non du Maroc, dont le Roi , Commandeur des Croyants, est le président du Comité Al Qods ; Non de la Jordanie dont le Roi chef de la dynastie hachémite de la descendance du prophète de l’Islam, à la gestion des lieux saints musulmans de la ville sainte notamment la Mosquée Al-Aqsa.
Ces alliés souterrains d’Israël sont dans la bande, leur duplicité démasquée. À croire que la sacralité monarchique que ces trois monarques invoquent pour se prémunir de la colère populaire ne les prémunit pas de la trahison, particulièrement les wahhabites.
Toute honte bue, les Saoudiens ont été jusqu’à adouber l’artisan du « Muslim Ban », Donald Trump, le président le plus xénophobe de l’histoire américaine, abondant le complexe militaro industriel américain d’un budget de 380 milliards de dollars afin de s’épargner les foudres de la justice américaine pour son implication dans le raid terroriste du 11 septembre 2001 en vertu de la Loi Jasta.
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Près de cent ans après son surgissement sur la scène internationale, la dynastie wahhabite, le plus fidèle allié des puissances occidentales, l’allié souterrain d’Israël, l’ennemi le plus acharné du Mouvement National Arabe, le plus résolu dans son combat contre la notion même de « libération », l’incubateur absolu du terrorisme islamiste takfiriste éradicateur, un des grands incendiaires de la planète, se révèle comme la dynastie la plus calamiteuse et la plus maléfique pour le Monde arabe et l’Islam.
Bafouant la légalité internationale, le grand Israël apparaît ainsi rétrospectivement comme une compensation sur un bien d’autrui, plus précisément des Palestiniens des turpitudes occidentales avec la complicité des roitelets du Golfe.
La nouvelle configuration régionale
Audacieuse pour ses partisans, démagogique à connotation électoraliste pour ses censeurs, la décision de Donald Trump intervient en plein bouleversement de la configuration régionale marquée par deux échecs successifs de ses poulains régionaux: la neutralisation de l’Indépendance du Kurdistan, mise en oeuvre clandestinement par Israël et la déstabilisation du Liban par la prise en captivité du premier ministre libanais Saad Hariri par l’Arabie saoudite dont il en est l’homme lige.
Maîtres des cieux, des terres et des mers depuis un demi siècle, le tandem israélo-américain paraît devoir concéder la parité stratégique avec les contestataires de son hégémonie au Moyen Orient: la Russie, l’Iran, la Syrie et les formations chiites du Liban (Le Hezbollah) et d’Irak (Al Hached Al Chaabi – la Mobilisation Populaire), les grands vainqueurs de la séquence dite du «printemps arabe».
A moins d’une guerre éclair israélienne aux résultats aléatoires, en vue de procéder à une nouvelle redistribution des cartes, ce bouleversement stratégique intervient à l’arrière plan d’une réactivation d’une vieille connivence islamo orthodoxe matérialisée par la fourniture par la Russie des missiles SS 400 à la Turquie, le dernier cri de la défense balistique russe, qui pourrait conduire à terme à la sortie de l’Otan de l’unique pays musulman membre de l’alliance atlantique dont il fut un état fondateur.
La nouvelle convergence entre Moscou et Ankara devrait, dans l’esprit des stratèges russes, prendre la relève de l’ancienne alliance entre l’URSS et l’Égypte nassérienne du temps de la guerre froide soviéto américaine, dans la décennie 1960-1970.
Dans l’ordre symbolique, Moscou abrite le siège du patriarcat orthodoxe et la Turquie abrite à Istanbul Constantinople, le siège du patriarcat orthodoxe d’Orient, en même temps qu’elle constitue la voie d’accès aux mers chaudes de la flotte Russe via le Détroit des Dardanelles.
Dans le domaine aérien, la guerre de Syrie a brisé le monopole des airs détenus depuis la fin de la IIe Guerre mondiale (1939-1945), il y a 70 ans par l’Otan et son allié israélien, de même que la fin du leadership atlantiste en Méditerranée, désormais sillonnée en permanence par les flottes russes et chinoises avec des facilités à Tartous (Syrie) et Mers El Kébir (Algérie), bouleversant la stratégie régionale au bénéfice du groupe moteur du BRICS.
Le «chaos constructeur»
Du fait de cette percée russo chinoise en Syrie, la Mer Méditerranée tend aussi à devenir, dans le domaine maritime, une Mer Internationale ouverte, faisant place à de nouveaux venus sur la scène maritime internationale: La Russie et la Chine, préfigurant la nouvelle cartographie de la Méditerranée à l’horizon de l’an 2050.
Le «chaos constructeur» que les anciens colonisateurs ont voulu imposer à leurs anciens colonisés leur revient en pleine figure, tel un boomerang, sous forme d’un «K.O. destructeur», sept ans le déclenchement de la contre-révolution arabe menée par les pétromonarchies du Golfe en concertation avec l’OTAN et Israël.
Un désordre amplifié par le camouflet représenté par l’annulation du premier sommet entre Israël et les pays de l’Afrique noire francophone, qui devait se tenir fin septembre au Togo; indice indiscutable de la défiance que suscite à nouveau l’interventionnisme américano-israélien dans la sphère arabo-africaine.
Dans un tel contexte défavorable, les États Unis ont aménagé une base en Israël même.
De concert avec le Royaume Uni, ils ont entrepris l’installation de Miradors le long de la frontière syro-libanaise, officiellement pour lutter contre les infiltrations djihadistes et la contrebande de stupéfiants en fait pour couper le ravitaillement stratégique du Hezbollah via la Syrie.
Ils envisagent enfin de raccorder l’Irak au réseau atlantiste de la zone faisant pression sur Bagdad pour que la Jordanie pro occidentale serve de terminal pétrolier et de débouché maritime à l’Irak, via Akaba, et non la Syrie.
Cet abus manifeste de droit constitué par la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël paraît porteur de lourds dangers pour l’avenir à en juger par les réactions virulentes émanant de diverses capitales arabes et musulmanes, notamment de l’Iran, de l’Irak, de l’Indonésie et de la Palestine.
À moins d’une proposition audacieuse qui compenserait largement en faveur des Palestiniens, cette violation flagrante du droit international, cette «injustice de trop» infligée aux Palestiniens, il est à craindre que de nouvelles déflagrations retentissement à nouveau aux divers coins de la planète, car pour une très grande majorité des peuples du quart monde aussi bien chrétien que musulman, de militants pour la paix et la justice « Jérusalem est le symbole de la dignité des peuples opprimés, la capitale éternelle de la Palestine ».
Cent ans après la promesse Balfour, le «Foyer National Juif» est ainsi le «Grand Israël» et la Palestine un bantoustan palestinien sous la coupe israélienne.
Un résultat qui témoigne de la puissance du lobby juif en Occident, de la tétanie qui saisit le Monde occidental devant le fait juif, conséquence de son implication dans le génocide hitlérien, auquel ni les Palestiniens, pas plus que les Arabes ou les Musulmans n’ont pris part.
Par René Naba, journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres (Golias), Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français (Harmattan), Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David (Bachari), Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIe siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est directeur du site Madaniya.
NOTES :
Traduction : «Au nom d’Allah, le très miséricordieux, Moi, Sultan Abdel Aziz Ben Faysal, Ibn Abder Rahman Al Faysal Al Saoud, admet et reconnaît mille fois à Sir Percy Cooks, délégué de Grande Bretagne, qu’il n’y a pas pour moi aucun empêchement à offrir la Palestine aux malheureux juifs ou tout autre, selon ce que décidera la Grande Bretagne, dont je ne contesterai pas la décision jusqu’à la fin du Monde».
À lire aussi :
“Le CRIF ne représente pas les Juifs de France. Il nous mène à la catastrophe”, communiqué de l’UJFP Union Juive Française pour la Paix, publié le 08 décembre 2017.