Ulysse Rabaté: « Ce recours est déposé par respect pour les gens qui se sont engagés »
Si Manuel Valls, élu député dans la 1re circonscription de l’Essonne, réfute toute irrégularités dans le scrutin, Farida Amrani (France Insoumise), éliminée à 139 voix près, lance une procédure de recours auprès du Conseil Constitutionnel. Ulysse Rabaté, son suppléant, a répondu en exclusivité à nos questions.
MeltingBook: Après l’annonce de sa victoire par Manuel Valls lui-même, hier soir, vous avez annoncé avec la candidate Farida Amrani lancer une procédure de recours. Vous contestez, donc officiellement, les résultats. Où en est la situation, ce lundi 19 juin ?
Ulysse Rabaté: Nous sommes en préfecture de l’Essonne. Nous étudions, avec des dizaines de citoyens de la circonscription, à la fois les procès-verbaux des bureaux de vote et les cahiers d’émargement. C’est un droit des candidats et des citoyens inscrits dans la circonscription.
Nous commençons à rassembler des éléments pour la constitution du dossier de recours auprès du Conseil constitutionnel. Nous travaillons avec nos avocats avec la constitution du dossier. Si l’on fait un recours, c’est que l’on considère que l’on peut gagner.
Comment sont nés les doutes suite à ce scrutin ?
U.R: Vendredi déjà, nous avions contacté Amnesty International pour demander des observateurs indépendants, compte tenu de l’ambiance générale. Il y avait un climat délétère et nous n’avions pas toutes les garanties pour que tout se passe bien.
Hier soir, les quatre bureaux où nous n’avions pas d’assesseurs à Evry ont été les derniers à faire remonter les résultats. Le décompte final s’est déroulé dans une atmosphère très troublée.
C’est-à-dire ?
U.R: Personne n’était présent à l’hôtel de ville d’Evry pour le dernier recomptage. L’accès nous a été bloqué par la mairie d’Evry. S’il ne s’agit pas de verser dans la diffamation, nous avons des soupçons de fraude très sérieux. C’est pour cela que l’on constitue un recours.
Des soupçons qui ne sont pas nés hier soir mais qui viennent ponctuer une campagne électrique. Expliquez-nous…
U.R: Oui. C’est une ambiance générale, très tendue dans la dernière semaine, à laquelle nous avons fait face. Il y a eu des échanges pas très sympathiques avec les soutiens de Manuel Valls, par exemple. A Corbeil-Essonnes, dont le maire Jean-Pierre Bechter est un soutien de Valls, les 22 panneaux du premier tour ont été laissés entre les deux tours.
Selon le droit électoral, ils auraient dû être retirés pour laisser celui de Farida Amrani et Manuel Valls, uniquement. Autre exemple, le jour j, en arrivant dans un bureau de vote, Farida Amrani s’est retrouvée en présence d’un proche de Manuel Valls, ce qui n’est pas autorisé. Tous ces éléments additionnés, nous permettent de penser qu’un nouveau vote est possible.
Comment expliquez-vous l’absence de membres de la France Insoumise dans ces quatre bureaux de vote ?
U.R: L’état du militantisme est ce qu’il est. Nous n’avions pas assez de militants pour être présents c’est aussi bête que cela. Mais nous avons le total soutien de la France Insoumise.
Sur le terrain, quel écho a eu votre campagne ?
U.R: Nous sommes immensément fiers et heureux d’avoir atteint des objectifs qui, il y a quelques mois encore, étaient impensables.
Cette campagne a permis à des milliers de citoyens, de relever la tête, de se mobiliser sur une idée de la société, différente de celle incarnée par Manuel Valls.
La dimension nationale de notre campagne, le fait que la France entière nous regardait, le fait d’avoir été la hauteur de cela est une immense fierté et une satisfaction.
Partant de cela, notre responsabilité est de faire en sorte que la victoire et la mobilisation de tous ces gens ne soient pas volées. On fait ce recours par respect pour tous ceux qui se sont engagés à nos côtés. Nous voulons honorer l’espoir et l’attente soulevés lors de ces semaines de campagne.
Que répondez-vous aux détracteurs qui, en tant que FI, vous qualifient de « mauvais perdants » ?
U.R: Ce recours n’est pas une réaction épidermique. Nous sommes élus sur nos territoires depuis plusieurs années. Nous menions nos combats bien avant que la France Insoumise ne naisse. On a fait une campagne qui dépassait dès le départ le cadre de la FI avec des profils différents, ancrés dans les quartiers populaires.
Ce sont eux qui nous ont portés aussi haut dimanche. Ce sont leurs habitants qui se sont mobilisés pour leur dignité et insuffler une autre idée du monde, que celle que veut plaquer Manuel Valls sur eux.
En soi, c’est une victoire et c’est au nom de ce combat que l’on fait le recours. Cette mobilisation pour nous n’allait pas de soi. Notre score symbolise ce rejet qu’incarne Manuel Valls, la violence, la division, la dérive libérale et autoritaire. C’est une réussite, pour nous, qui sommes élus dans ces quartiers d’avoir pu rassembler. C’est cette mobilisation qui nous porte là où nous en sommes aujourd’hui.
Propos recueillis par Nadia Henni-Moulaï