Une circulaire contre les contrôles de police lors des sorties scolaires
Il y a un an, Elise Boscherel-Deniz, professeure dans un lycée professionnel d’Épinay-sur-Seine, dénonçait le contrôle au faciès subi par ses élèves lors d’une sortie scolaire. Les trois lycéens concernés, Mamadou Camara Ilyas Haddaji et Zakaria Hadji Mmadi, ont assignés l’État en justice pour discrimination raciale. Alors que l’audience est prévue le 22 octobre prochain, l’enseignante appelle à une circulaire pour empêcher les contrôles lors de sorties scolaires.
Il y a un an, trois de mes élèves se faisaient contrôler par des policiers à deux points différents de la gare du Nord, de retour d’un séjour scolaire à Bruxelles. L’un d’eux se faisait arrêter à la sortie du train et deux autres étaient contrôlés dans le hall. Devant l’ensemble de la classe, ils durent ouvrir leurs valises, être fouillés, et l’un d’entre eux fut tutoyé. Mon statut d’enseignante ne permit pas d’éviter ces humiliations. Pire, les policiers me manquèrent de respect devant ma classe.
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Rien ne justifiait ces contrôles; aucune attitude déplacée, pas un mot plus haut que l’autre. « Pourquoi vous nous contrôlez? » À cette incessante question des élèves adressée aux policiers, aucune réponse. Il était évident que seule leur apparence physique avait motivé ces contrôles.
À (RE)LIRE le dossier MeltingBook sur le sujet :
Contrôle au faciès. « Il est de notre devoir d’aider nos élèves à expliquer ce qu’ils subissent »
Epinay-Sur-Seine: Ilyas, Mamadou, Zakaria réagissent aux contrôles faciès
Contrôles au faciès en sorties scolaires: Ils déposent plainte contre l’État
Le lundi 22 octobre 2018, cette affaire sera plaidée par Maître Ben Achour qui leur a permis de porter leur histoire devant les tribunaux. Mamadou Camara, Ilyas Haffaji et Zakaria Hadji Mmadi ont été particulièrement choqués d’être ainsi rabaissés devant leurs camarades et de voir les policiers me malmener, piétinant sans vergogne mon autorité.
Quel message est-il ainsi délivré? Policier.e.s ou enseignant.e.s, nous sommes au service de la République. Nous devrions pouvoir nous faire confiance, échanger et discuter dans un cadre respectueux. Ces élèves étaient sous ma responsabilité, leurs parents me les avaient confiés. Je n’ose penser à la fin malheureuse si je n’avais pas moi-même mis fin à ce contrôle, me pressant de les éloigner des forces de l’ordre pour empêcher que la situation dégénère.
Doit-on en conclure que les représentant.e.s d’un seul et même État ne peuvent plus travailler ensemble ? Je redoute désormais d’organiser des sorties avec mes élèves, et je sais que je ne suis malheureusement pas la seule. Le risque des contrôles de police est considérable et j’appréhende les attitudes des personnels dans les métros, les gares, les musées.
Professeure blanche qui a grandi à la campagne, je ne connaissais pas la réalité des quartiers populaires, je ne savais pas qu’une telle exclusion existait en France. Je suis outrée de voir à quel point mes élèves doivent se battre pour se déplacer d’un endroit à un autre, horrifiée de comprendre leur peur de passer le périphérique parisien.
Ils sont pourtant comme tous les autres jeunes, loin des clichés présentés par certains médias. Je crois profondément aux valeurs de l’école de la République qui doit protéger ses élèves, sans exception.
>> (Ré)écoutez leurs témoignages sur MB :
C’est la raison pour laquelle j’en appelle à l’ensemble de la communauté scolaire ainsi qu’aux parents d’élèves pour soutenir la démarche de Mamadou, d’Ilyas et de Zakaria. Leur combat est celui de tou.te.s les élèves qui circulent difficilement sur le territoire français et pour qui, l’école, n’est désormais plus une protection.
Je réitère ma demande d’une circulaire qui interdirait tout contrôle policier en sortie scolaire; il en va de la sécurité des élèves. Nous avons besoin du soutien du plus grand nombre, des personnels d’éducation, des parents d’élèves et bien sûr, des lycéen.ne.s eux-mêmes.
Je vous propose de relayer cet appel et de venir soutenir Mamadou, Ilyas et Zakaria, le lundi 22 octobre à partir de 13 h 30 au Tribunal de Grande Instance de Paris.
Par Élise Boscherel-Deniz
Pouyet
Et pourquoi ne pas créer une pétition, pour tous ceux qui ne peuvent pas forcément se rendre au tribunal ?
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