Comment améliorer notre modèle de laïcité et de vivre ensemble ?
Le principe de laïcité a suscité de multiples interrogations et de d’innombrables débats au cours des cinq années qui ont composé le mandat de François Hollande.
Peu d’hommes politiques avaient réellement lu la loi du 9 décembre 1905 et les débats parlementaires qui ont permis l’adoption d’une telle loi.
Puis, le mandat a également été traversé par plusieurs attentats ce qui a d’une part renforcer des acceptions sécuritaires dans notre société et ont contribué à voir avec plus de suspicion les questions religieuses et, plus particulièrement, les questions liées à l’islam et la laïcité.
La laïcité est aujourd’hui elle-même traversé par deux courants majeurs dont la population française n’arrive pas à faire la part des choses : une conception philosophique et une conception juridique.
La conception philosophique incorpore dans le concept de laïcité la notion de dignité de la personne humaine, de l’égalité hommes – femmes, de la lutte pour l’émancipation des femmes ou encore de l’égalité.
Or, la laïcité est d’abord et avant tout une liberté de conscience permettant à toutes idées, opinions ou philosophie de pensée de s’exprimer sans que l’Etat ne vienne les réprimer ou les interdire. Il s’agit en conséquence d’une laïcité que l’on pourrait qualifiée de « liberté » ou de laïcité « positive ».
Avec le développement de la visibilité religieuse, la question essentielle du voile islamique a suscité de nombreux débats notamment pour les tenants de la conception philosophique de la laïcité.
Les partisans de cette conception semblent en effet penser que le voile est un signe de régression de la femme et d’obscurantisme et traduisant fondamentalement un signe religieux et politique.
Or, bien des femmes voilées ont tenté d’élever la voix montrant qu’elles ne se sentent pas « soumises » ou quoi que ce soit de la sorte. Elles le portent par conviction religieuse et non par une quelconque conviction politique.
Il faut également noter que le voile est souvent le seul élément qui fait débat dans l’opinion publique de sorte que la laïcité semble se limiter à ce signe religieux en particulier.
Face à tous ces tumultueux débats, la seule conception qui semble évidente est la conception juridique de la laïcité. Elle s’en tient à une lecture juridique et se contente de rappeler la jurisprudence, qui a interprété les règles de droit en la matière.
Mais comment 2017 pourrait permettre de fluidifier les questions liées à la laïcité ?
Les propositions déjà existantes n’ont de cesse que de présenter une forme comminatoire de la laïcité. Alain Juppé proposait un « délit » d’entrave à la laïcité alors que Jean-François Copé proposait un « Code de la laïcité ».
C’est sûrement François Fillon qui est le tenant d’une ligne rigide de la laïcité en estimant qu’il ne fera aucune concession là-dessus et parle du seul « communautarisme » problématique en France : la communauté musulmane.
Emmanuel Macron propose quant à lui de ne pas légiférer sur ces questions et donne une acception plus anglo-saxonne de la laïcité, ce qui n’est pas suscité l’opprobre de certains électeurs.
Alors comment réussir le pari de l’universalisme laïc ? Comment réussir à rallier tout le monde sous un seul et même toit ?
En réalité, cela passe par plusieurs solutions concrètes qui se présentent comme à contre-courant de tout ce qu’on a pu voir jusqu’à ce jour.
Mes propositions afin d’améliorer les questions de laïcité et de fait religieux sont les suivantes, lesquelles pourraient substantiellement favoriser le vivre-ensemble :
1. Voir la laïcité comme un outil du vivre-ensemble.
Il faut ainsi abandonner toutes les conceptions rigides visant à alourdir le dispositif législatif vers toujours plus d’interdiction.
Cette dynamique crée des frustrations sociales pour les français qui souhaitent librement pratiquer leur culte et auxquels non seulement ce droit est refusé mais dont la chasse devient un harcèlement étatique prévu par la loi.
Aux côtés de l’Observatoire de la laïcité, il faudrait un Observatoire du vivre ensemble chargé d’un objet plus large que celui de l’Observatoire de la laïcité et qui ne soit pas composé de personnalités politiques uniquement.
Il faudrait que l’Observatoire du vivre ensemble soit conforme à son objet, c’est-à-dire de dignitaires religieux mais également des ambassadeurs étrangers permettant de les solliciter sur ces questions et voir quel est leur point de vue sur la question.
2. Consulter la société civile sur les questions de fait religieux.
Les questions ayant fait un débat national ont souvent divisé notre société, plus qu’uni. On pense notamment au “burkini”.
Sur ces questions, souvent les sondages d’opinions sont trompeurs puisque non représentatifs de tous les votants mais également constructeurs de réalités sociales qui n’existent pas.
Il faut donc permettre à la société de s’exprimer directement sur ces questions à partir du moment où un certain nombre de citoyen ou que l’Observatoire du vivre ensemble demande au gouvernement de procéder par voie référendaire.
3. Consulter les expatriés en France sur la question.
Il est souvent entendu dans les milieux politiques que la France est un modèle en terme de gestion du fait religieux.
Pour faire la part des choses, il convient d’auditionner les expatriés afin de déterminer s’ils estiment qu’effectivement une telle conception française permet une société plus fraternelle ou pas.
Ces consultations d’expatriés pourraient être réalisées dans le cadre de l’Observatoire du vivre ensemble ou encore par l’Observatoire de la laïcité et ferait l’objet d’un rapport rendu public.
4. Attribuer un pouvoir disciplinaire à l’Observatoire de la laïcité et lui donner les attributions d’une AAI.
Il a été remarqué que plusieurs autorités ou plusieurs fonctionnaires violaient le principe de laïcité. Afin de parfaire à ces violations, l’idée n’est pas de créer d’autres codes ou encore de créer des délits.
Il suffit de donner tous les pouvoirs à l’Observatoire de la laïcité afin qu’il devienne d’une part une autorité administrative indépendante (AAI) et dispose d’un pouvoir disciplinaire, sur le principe de l’Autorité des Marchés Financiers.
Cette autorité serait un paravent de premier degré et rendrait des décisions publiques faisant foi sur les questions liées à la laïcité.
Asif Arif
Asif Arif, Avocat au Barreau de Paris, auteur spécialisé sur les questions d’islam et de laïcité. Dernier ouvrage : France, Belgique : la diagonale terroriste (Boîte à Pandore, 2016).