#INTERACTIF. Et si on changeait de mode de scrutin?
Et si le vote utile n’était pas une fatalité. Depuis 2002, des expérimentations de vote par approbation et par note aux présidentielles sont menées par le GATE, une unité de recherches rattachée au CNRS.
Intérêt de ces travaux in situ ? Saisir les propriétés des modes de scrutin et comprendre en quoi ils influent sur les résultats du vote.
À l’heure où la pression du vote utile gagne les esprits, la question des modes de scrutin ressurgit. Est-il possible de voter autrement ?
La semaine prochaine, le GATE relance son expérimentation à Grenoble. Les électeurs pourront noter, approuver ou passer par internet pour exprimer leur suffrage.
Une façon d’ouvrir la voix au scrutins multinominaux, plus favorables aux candidats inclusifs.
À consulter, le travail effectué par le GATE, unité de recherches liée au CNRS, la réponse semble positive.
Lors des présidentielles de 2002, 2007 et 2012, le GATE teste les électeurs, sur la base du volontariat. Parmi les expérimentations conduites, le vote par note.
Nous avons rencontré Antoinette Baujard, directrice-adjointe GATE L-SE (CNRS).
“Le mode de scrutin uninominal à deux tours favorise les candidats polarisants.”
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Reposant sur une notation de chaque candidat, le vote par note ou vote de valeur se déroule sur un tour.
L’électeur évalue, ainsi, le candidat en lui attribuant une note 2, 1 ou 0. Le candidat obtenant le meilleur score remporte le suffrage.
Dans le vote par approbation, le votant indique uniquement ceux qu’il soutient.
Une façon d’écarter le(s) candidat(s) les plus hostiles, par exemple.
Au final, le candidat ayant réuni le plus grand nombre de soutiens est élu.
“Dans le vote par approbation, vous pourriez sélectionner tous les candidats qui vous satisferaient et exclure tous les candidats qui ne vous satisferaient pas,” A. Baujard.
Une approche qui change, donc, radicalement le rapport à l’élection.
Face à la montée de l’abstention et le refus du « vote par défaut », ces modes de scrutin redonnent une forme de pouvoir aux électeurs. Ils passent d’une impression de subir le vote à une forme de « choix actif ».
Le mode de scrutin fabrique-t-il le candidat ?
Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’en fonction du mode de scrutin, la représentation/la perception des candidats n’est pas la même.
Les résultats de l’expérimentation 2012
Par exemple, François Bayrou aurait été élu en 2007 avec le vote par approbation.
Mais c’est François Hollande qui aurait été élu en 2012.
Le graphique ci-dessous permet d’un seul coup d’œil de comparer les résultats du premier tour des élections présidentielles de 2012 sur la base des données corrigées des biais de participation et de représentation nationale.
Pour chaque candidat (sur l’axe horizontal), on lit son classement selon les cinq modes de scrutin étudiés (sur l’axe vertical).
Comme l’ordre d’apparition des candidats est celle de l’élection officielle, il est logique que la courbe représentative du classement officiel soit une droite (ici courbe turquoise).
Les variations autour de cette droite des autres modes de scrutin permettent de visualiser rapidement l’effet du changement de règle de vote sur le résultat de l’élection au niveau national, les préférences des électeurs étant données. (Source disponible ici).
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Et influe-t-il sur les résultats ?
Pour bien comprendre tout l’impact du mode de scrutin actuel (uninominal à deux tours) sur les résultats, regardez la conférence suivante, organisée par le GATE, le 8 novembre 2016.
Si le scrutin uninominal à deux tours a peu de chance de disparaître, les expérimentations du GATE apportent un éclairage précieux.
Sur la façon de voter certes mais surtout sur les voies à emprunter pour réinventer notre démocratie.
En 2012, les expériences du GATE menées lors des présidentielles plaçaient François Bayrou vainqueur, Jean-Luc Mélenchon ou Eva Joly devant Marine Le Pen.
A 9 jours du premier tour, le quatuor Macron/Le Pen/Fillon/Mélenchon est en tête des intentions de vote. A l’aune des expérimentations du GATE, la question des résultats et de leur valeur est posée.
Face à l’érosion du vote d’adhésion, à la pression du vote utile, les modes de scrutin alternatifs mettent les résultats des élections actuels en perspective.
Au vote d’adhésion, le vote de consensus parait une voie à explorer pour lutter contre la polarisation de la société.
Mais comme le rappelle, Antoinette Baujard, avec le scrutin uninominal, « les partis s’adaptent en ayant un discours exclusif et plutôt polarisant qui va fragmenter la société ».
Ce qui n’est pas le cas avec un scrutin multinominal. Il met les candidats en capacité de toucher différents électorats. Plus inclusif, leur élection repose, alors, sur leur capacité à faire consensus. « Vous devenez plus facilement le président de tous les Français ».
Plus que des modalités pratiques, le mode de scrutin renvoie à notre modèle même de démocratie. Si les modes de scrutin alternatifs permettent aux citoyens de reprendre une forme de pouvoir, pas étonnant alors que les politiques restent cramponnés au système actuel. La polarisation de la société est bien trop payante dans les urnes.
Dossier de:
Nadia Henni-Moulaï
Anice Lajnef
Montage interactif/Sarah Hamdi
Ecouter l’interview d’Andrew Maho, de l’association Citoyens pour le Vote de Valeur: