Plan Borloo: “Ce qui est à nous reste chez nous”
Jean-Louis Borloo a remis, jeudi 26 avril, un rapport au premier ministre, déjà nommé “plan Borloo” pour les banlieues. Ce “plan d’action” est né de mois de concertation avec les associations de terrain et d’élus.
Plus d’une centaine d’entre eux se sont rassemblés à l’occasion de la 5e édition des États généraux de la politique de la ville, dans un gymnase du 19e arrondissement de Paris. Burhan Aliti du collectif Pas Sans Nous nous donne son sentiment suite à ces annonces.
J’ai été missionné par la Coordination pour participer au groupe de travail mobilisation des entreprises pour les quartiers prioritaires.
C’est avec un esprit de responsabilité et avec un espoir immense que je suis arrivé à la première réunion de travail au Ministère de la Cohésion des Territoires.
Ce qui m’a frappé d’entrée c’est que les personnes autour de la table étaient majoritairement issues du monde de l’entreprise/des entreprises. Manifestement, toutes ces personnes se connaissaient.
Face à cela, j’étais le seul représentant des quartiers populaires avec tout le déficit des codes des infos qui l’accompagne.
Ma mission était simple, au-delà des propositions concrètes, elle consistait à délivrer le message suivant :
« Les grosses associations qui ont participé depuis 30 ans à l’insertion professionnelle des jeunes dans les quartiers populaires font aujourd’hui partie du problème et non de la solution ».
Elles ont bénéficié des subventions qui les ont propulsé à des niveaux de structuration qui leur permettent d’évincer, d’écraser les petites associations de quartier qui au passage ont été laminées par les vagues successives de désinvestissement de l’état dans les quartiers.
Au jeu des appels d’offres, tout un tas de petites associations qui, elles, sont en contact, sont implantées dans les quartiers et à qui ont a fini par faire porter le rôle de pourvoyeurs de publics pour ces grosses associations sont en passe d’être mises sous tutelle de ces même grosse associations. C’est sans doute est-ce là l’illustration de l’image du premier de cordée. La corde servant beaucoup plus à entraver que relier.
Les séances de travail
Le sens des responsabilités et l’honnêteté m’obligent à affirmer haut et fort que lors des séances de travail, j’ai été traité avec égard.
Les animateurs et différents protagonistes m’ont laissé toute la place afin que je puisse m’exprimer et faire des propositions qui ont été prises en compte pour la plus importante. Mais le problème ne réside pas là.
“Mektoub” ou le paradoxe du scorpion
Il fallait être un peu réaliste et se rendre compte que tout était écrit à l’avance. La lettre de cadrage annonçait les choses de manière assez claire. Elle demandait au groupe d’ « identifier la meilleure configuration pour la nouvelle fondation Entreprises et Quartiers ».
Dès lors, il était prévisible que les acteurs étaient d’emblée définis et que ce sont ceux qui ont échoué jusque-là à qui on allait demander de proposer des solutions (là où ils avaient pu être le problème).
Tout comme vous ne pouvez pas demander au scorpion de ne pas piquer, il était logique que des clubs d’entreprises qui vivent de leur activité en direction des publics des quartiers (alors qu’ils ne sont pas forcément implantés dans les quartiers, la nuance est importante) réitèrent (dans une sorte de réflexe) les mêmes propositions qui feront perdurer cette situation.
Ce qui est à nous rester chez nous
Durant toute la phase de réflexion nous avons effleuré le sujet sans jamais l’aborder véritablement.
Il s’agit de l’économie Sociale et Solidaire. Je pense que toute activité dans les quartiers est vouée à être vampirisée par certains entrepreneurs devenus de véritables prédateurs. La mise en concurrence généralisée à fragiliser les petites associations de quartiers.
Alors qu’on aurait dû les accompagner et les professionnaliser. On a laissé s’installer des opérateurs, qui sachant naviguer dans la jungle des appels à projets, ont mis à l’amende les petits associations. Et qui, de plus, recrutent des habitants de ces quartiers, souvent sous des statuts précaires.
Tout est marché ?
Le discours de Claude Sicart du Pôle S à Villeneuve la Garenne évoquant la marchandisation des quartiers. En effet, faisant référence au récit de l’économie dominante qui essaye de nous convaincre qu’il existerait finalement deux économies, une légitime, produisant des richesses, et une autre parasitaire, vivant de subventions. Il est donc nécessaire de montrer la réalité derrière ce récit”.
Nous devrions nous inspirer du rapport sur le forum sur l’économie Sociale et solidaire des Quartiers pour une prise de position sur l’économie des quartiers populaires par les habitants eux-mêmes et pour les habitants.
Burhan Aliti