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Plutôt que le vote utile, l’abstention

Mounia_Fellachi

Mounia Fellachi, militante.

Demain, l’abstention. Mounia Fellachi, militante engagée, nous explique pourquoi elle n’ira pas voter aux élections présidentielles 2017. Tribune.

Nous, les abstentionnistes convaincus et engagés, on la connaît déjà la chanson.

Celle, culpabilisante, qui consiste à répéter à chaque élection, que si le Front National (FN) fait des scores aussi élevés, c’est parce que ces inconscients et égoïstes d’abstentionnistes n’ont pas daigné bouger de leur canapé pour éviter le pire.

On l’avait déjà entendue durant les régionales de 2015, où finalement le FN n’a eu aucune région, mais a réussi à placer un nombre record de conseillers régionaux.

Puis, elle s’était tue durant cette campagne présidentielle surréaliste, où les pérégrinations WTF de la famille Fillon et les hologrammes de Jean-Luc Mélenchon ont presque réussi à nous faire oublier les habituels débats puants sur « l’identité nationale », l’immigration, l’islam radical, le terrorisme et autres joyeusetés.

C’était sans compter sur Daesh et ses revendications intempestives à la moindre fusillade improvisée.

Alors que les charognards de Fillon et Le Pen se jettent dessus pour faire oublier leurs histoires obscures de costards et d’emplois fictifs, tous ceux qui militent encore pour un soupçon d’humanisme dans notre société commencent à céder à la panique.

Pour lutter contre ceux qui votent par islamophobie pour Le Pen ou Fillon, il faudrait voter pour les autres par peur de voir arriver un second tour sponsorisé à 100% par le racisme. Et c’est tout ?

Ils finissent “broyés par les institutions”

Bien sûr que non, et nous le savons tous déjà.

Parce que voter pour toujours les mêmes candidats, qui en plus de ne pas nous représenter, de ne pas connaître notre quotidien, sont déjà bien souvent à des postes à responsabilités qui leur permettent de se nourrir sur notre dos, mais pas de changer les choses, peu importe leur niveau d’éthique et de bonne volonté, ne sert à rien, ou presque. 

D’abord, parce qu’une fois qu’ils ont obtenu nos voix, ils n’ont aucune obligation de tenir leurs promesses.

Puis, parce que même s’ils se tuent à la tâche ils finissent, eux aussi, par être broyés par les institutions au pouvoir sans limite.

La preuve, chaque progrès que l’humanité a connu n’est jamais venu des institutions elles-mêmes, mais bien des luttes qui ont été menées par ceux qui ont mis de côté leurs privilèges pour obtenir gain de cause.

D’ailleurs, ce quinquennat socialiste, malgré sa grande concentration de pouvoirs (majorité à l’Assemblée Nationale), n’a pas pu empêcher la régression sociale avec la loi Macron et la loi El Khomri.

Il n’a pas pu empêcher la création du mouvement homophobe « La Manif pour tous » non plus.

Ni le débat sur la déchéance de la nationalité.

Ni l’état d’urgence permanent qui a persécuté des citoyens musulmans et des militants de gauche radicale innocents.

Ni la progression effrayante de la souffrance au travail et des violences médicales.

L’abstention a le mérite de ne pas valider ce système

Cependant, il existe des moyens de lutter contre tous ces fléaux, et il est inutile d’attendre les élections pour cela ; il existe déjà de nombreux lanceurs d’alertes qui mettent tous les moyens en œuvre pour servir de contre-pouvoir, et heureusement.

Bref, voter « utile », pour les plus pragmatiques d’entre nous, ce n’est pas « sauver la France du fascisme », mais c’est surtout nourrir des institutions qui continuent à privilégier une partie de la population, pour encore mieux discriminer les autres.

L’abstention, si elle ne change rien sans conscience politique, a au moins le mérite de ne pas valider ce système et de rendre nos élus illégitimes.

Et pour ceux qui seraient tentés de s’ériger en professeur de mathématiques du dimanche, il faut comprendre que le résultat d’une élection ne s’explique pas uniquement par un simple calcul de pourcentages, mais découle de paramètres et de mécanismes politiques bien plus complexes.

Le vote n’est pas plus utile en soi que l’abstention, s’il ne s’accompagne pas de travail politique sur le long terme.

Alors arrêtez de donner des consignes de vote en culpabilisant les autres, et consacrez-vous à vos engagements quotidiens. Nous y gagnerons tous en sérénité.

Mounia Fellachi

Raconter, analyser, avancer.

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