Le “Weshipédia”, décodeur du langage des quartiers
Vous connaissez Wikipédia ? Mais avez-vous déjà ouvert le Weshipédia ? Découverte de ce dictionnaire multimédia du langage des quartiers.
En soum soum, les “tieks” ont leurs propres codes. Et il n’y a pas que les cramés ou les cailleras qui usent de ces tournures aux origines et significations diverses. C’est pas une disquette, alors pas de coup de pression. Explication.
Sous son apparence ludique, le Weshipédia, dictionnaire multimédia du langage des quartiers se veut fédérateur,” explique le fondateur de ce wiki, David Cadasse.
“La vitalité de la langue me passionne”
“À travers, ce projet, l’idée est aussi de faire passer une inter-connaissance. Et d’offrir par la langue, un moyen de rapprocher deux mondes qui s’ignorent, qui se regardent en chiens de faïence. J’aime les mots, et les mots ont un sens”.
Ce qui l’intéresse dans cette démarche : le travail de recherche de définitions.
“Dans cet univers-là, on peut jouer avec les codes. On peut influencer avec les mots. Quoi qu’on en dise, le langage véhicule des valeurs de part et d’autre. Weshipédia, c’est aussi un moyen de rapprocher cette culture des quartiers avec la culture mainstream.”
Le Weshi, un pont inter-FranceS
“Je suis né et j’ai grandi à Mantes-la-Jolie (78). Il y a une vraie culture de quartiers. Il y a des codes liés au langage. Ceux qui ont cet ADN-là, on se comprend, on voit vite à qui on a affaire. Au-delà des codes, il y a une véritable vitalité de la langue où les mots apparaissent disparaissent, se créent, se transforment, changent de sens,” souligne David.
“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”. L’adage d’Antoine Lavoisier, célèbre chimiste, colle bien au parcours de David Cadasse, d’ailleurs.
Startupper linguistique
Après des études de lettres, David s’engage dans une carrière de journaliste. Ancien rédacteur en chef d’Afrik.com, aujourd’hui consultant en communication, David est un virtuose digital.
L’un des objectifs de Weshipédia : “être un pont inter-FranceS” en évitant de sombrer dans la caricature du jeune de banlieue qui parle en mode wesh.”
Il résume la genèse de ce projet singulier par une anecdote : “j’avais un ami professeur d’Histoire à Mantes-la-Jolie (78). Un jour, en plein cours, il explique que le Maroc est “un vieux pays”, sans prendre conscience de toute la dimension péjorative de l’adjectif “vieux” pour ces élèves.
Depuis, il a remplacé le “vieux” par “chargé d’Histoire, au patrimoine riche, etc.”
Développement numérique et formation
Depuis 2015, ce dictionnaire participatif du langage des quartiers est régulièrement enrichi. Derrière une double finalité : nourrir cet outil via la contribution de tous et créer des ateliers de langue pour mener un travail de réflexion autour DES langues françaises.
Et si Weshi (son petit surnom) est né en ligne et pas sur papier, ce n’est pas un hasard. “Le web est un espace de créativité et beaucoup plus malléable. Je voulais penser les mots en images. Dans ce dictionnaire de la langue, il n’y a pas que le mot : je voulais jouer sur les codes, illustrer, conceptualiser”, précise t-il.
Accessible à tous : aux jeunes de 14 ans qui le façonne au gré des discussions, comme à l’adulte cherchant à comprendre une nouvelle expression entendue.
Le Weshi ambitionne de tenir compte de la dimension territoriale de la langue. Dans les quartiers en région parisienne, les habitants ne s’expriment pas comme à Marseille.
De même certaines expressions sont propres à des régions ciblées, c’est le cas dans les Yvelines (78).
Le mot “bénévole” est devenu, quant à lui, péjoratif. Selon ces occurrences, il désigne une “balance”… C’est dire comment d’un terrain à un autre, l’interprétation varie.
Ce qui intéresse David, c’est de lancer Weshipédia sous 3 axes : son wiki (définitions et audio), leurs illustrations décalées, et enfin, un blog d’articles aux angles originaux autour du langage.
Utiliser des mots, c’est comprendre l’essence des expressions et pouvoir manier les subtilités de la langue.
Travailler sur l’étymologie des termes, en apprendre des cultures qui composent ce langage.
“On emploie des mots et des expressions sans même penser d’où ils viennent”, explique David.
Quand Sexion d’Assaut nous targue que “dans tieks ya pas de xaalis”, comprenez bien que “dans le quartier, il n’y a pas de sous” (ndlr : le “tieks”, contraction de “quartiers’ en verlan. Et “xaalis” : l’argent en wolof).
Autre exemple: l’expression africaine “je t’attends depuis”. Elle met l’accent sur le fait qu’on a attendu l’individu depuis longtemps”.
Plus l’on appuie sur le “depuiiiiis”, et plus on fait remarquer à l’interlocuteur que l’attente a été longue…
Au cœur du Weshi, une dimension pédagogique
S’il implique des linguistes sur le développement du wiki, David tient à ce que le Weshi reste accessible à tous. “Des lettrés ayant fait khâgne ou hypokhâgne s’y intéressent aussi. Il y a une vraie curiosité là-dessus”, explique son fondateur.
Pour les utilisateurs, cela va de l’internaute de 13 ans, jusqu’à celui de 50 ans. Un pont numérique entre les cultures de banlieues et les autres.
Curiosité française que de (re)découvrir des phrasés qui s’expriment pourtant à deux pas de chez soi.
Sarah Hamdi
Comme les mots sont importants, MeltingBook s’affranchit des tournures associées à certaines franges de la population française.
Nous ferons l’effort d’utiliser un vocabulaire précis pour affûter notre pensée et en finir avec les clichés.
Voici notre lexique MB issu de vos propositions :
• “Quartiers populaires” devient “quartiers vivants”,
• Jeunes “de banlieue” devient “jeunes” ou “adolescents”,
• “Issu de l’immigration” devient “hériter de l’immigration”.
Partagez vos idées sur contact@meltingbook.com